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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/481

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DE LA CONDAMNATION DU DUC D’ALENÇON.


nement à la couronne ; mais ce prince, mécontent ensuite de Louis XI, se ligua contre lui avec les Anglais. Il n’appartenait pas à tous les princes de faire de telles alliances. Un duc de Bourgogne, un duc de Bretagne, étaient assez puissants pour oser faire de telles entreprises, mais non pas un duc d’Alençon.

Louis XI le fit arrêter par son grand prévôt, Tristan l’Hermite ; on rechercha sa conduite, on trouva qu’il avait fait de la fausse monnaie dans ses terres, et qu’il avait ordonné l’assassinat d’un de ceux qui avaient trahi le secret de sa conspiration sous Charles VII.

Enfermé au château de Loches en 1472, il y fut interrogé par le chancelier de France Guillaume des Ursins, assisté du comte de Dunois ; de Guillaume Cousineau, chambellan du roi ; de Jean le Boulanger, premier président du parlement ; de plusieurs membres de ce corps, et de deux du grand conseil. Toutes ces formalités furent toujours arbitraires. On voit un évêque de Bayeux, patriarche de Jérusalem, un bailli de Rouen, un correcteur de la chambre des comptes, confisquer au profit du roi le duché d’Alençon, et toutes les terres du coupable, avant même qu’il soit jugé.

On continua son procès au Louvre par des commissaires, et il fut enfin jugé définitivement, le 18 juillet 1474, par les chambres assemblées, par le comte de Dunois, qui n’était pas encore pair de France, par un simple chambellan, par des conseillers du grand conseil : formalités qui certainement ne s’observeraient pas aujourd’hui.

Ce fut en ce temps-là que l’on commença à regarder le parlement comme la cour des pairs, parce qu’il avait jugé un prince pair, conjointement avec les autres pairs.

Les trésoriers de France l’avaient jugé aussi, et cependant on ne leur donna jamais le nom de cour des pairs. Ils n’étaient que quatre, et n’avaient pas une juridiction contentieuse. La volonté seule des rois les appelait à ces grandes assemblées. Leur décadence prouve à quel point tout peut changer. Des compagnies s’élèvent, d’autres s’abaissent, et enfin s’évanouissent. Il en est de même de toutes les dignités. Celle de chancelier fut longtemps la cinquième, et devint la première ; celles de grand-sénéchal, de connétable, n’existent plus.

Comme la cour du parlement reçut alors la dénomination de cour des pairs, non par aucune concession particulière des rois, mais par la voix publique et par l’usage, c’est ici qu’il faut examiner en peu de mots ce qui concerne les pairs de France.