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CHAPITRE VIII.


Quand les pairies de Normandie et de Champagne furent éteintes, la Bretagne et le comté d’Artois furent érigés en pairies à leur place par Philippe le Bel.

Ses successeurs érigèrent en pairies Évreux, Beaumont, Étampes, Alençon, Mortagne, Clermont, la Marche, Bourbon, en faveur des princes de leur sang ; et ces princes n’eurent point la préséance sur les autres pairs ; ils suivaient tous l’ordre de l’institution, l’ordre de pairie ; chacun d’eux dans les cérémonies marchait suivant l’ancienneté de sa pairie, et non pas de sa race.

C’est ainsi qu’aujourd’hui en Allemagne les cousins, les frères d’un empereur, ne disputent aucun rang aux électeurs, aux princes de l’empire.

On ne voit pas qu’aucun de ces pairs soit jamais venu siéger, avant François Ier, au parlement de Paris ; au contraire, la chambre du parlement allait à la cour des pairs.

Les juges du parlement, toujours nommés par le roi, toujours payés par lui, et toujours amovibles, n’avaient pu être réputés du corps des pairs du royaume. Un jurisconsulte aux gages du roi, qu’on nommait et qu’on cassait à volonté, ne pouvait certainement avoir rien de commun avec un duc de Bourgogne, ou avec un autre prince du sang. Louis XI créa duc et pair le comte Jacques d’Armagnac, duc de Nemours, qu’il fit depuis condamner à mort, non par un simple arrêt du parlement, mais par le chancelier et des commissaires, dont plusieurs étaient des conseillers.

Le premier étranger qui fut duc et pair en France fut un seigneur de la maison de Clèves, créé duc de Nevers ; et le premier gentilhomme français qui obtint cet honneur fut le connétable de Montmorency (1551).

Il y eut toujours depuis des gentilshommes de la nation qui furent pairs du royaume ; leur pairie fut attachée à leurs terres, relevantes immédiatement de la couronne. Ils prirent séance à la grand’chambre du parlement ; mais ils n’y vont presque jamais que quand les rois tiennent leur lit de justice, et dans les occasions éclatantes. Les pairs, dans les assemblées des états généraux, ne font point un corps séparé de la noblesse.

Les pairs, en Angleterre, sont depuis longtemps des gentilshommes comme en France ; mais ils n’ont point de pairies, point de terre à laquelle ce titre soit attaché : ils ont conservé une bien plus haute prérogative, celle d’être le seul corps de la noblesse, en ce qu’ils représentent tout le corps des anciens