Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/522

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
512
CHAPITRE XXIII.


vinces. Il se plaignit qu’on donnât trop de liberté aux novateurs. La reine mena son fils au parlement, au mois de juillet : jamais il n’y eut une plus grande assemblée. Le prince de Condé y était lui-même. On y fit enregistrer l’édit qu’on nomme de juillet, édit de concorde et de paix, beaucoup plus détaillé que l’ordonnance dont on se plaignait ; édit qui recommandait à tous les sujets la tolérance, qui défendait aux prédicateurs les termes injurieux, sous peine de la vie, qui prohibait les assemblées publiques, et qui, en réservant aux ecclésiastiques seuls la connaissance de l’hérésie, prescrivait aux juges de ne prononcer jamais la peine de mort contre ceux mêmes que l’Église livrerait au bras séculier.

Cet édit fut suivi du colloque de Poissy, tenu au mois d’auguste 1561[1]. Cette conférence ne pouvait être qu’inutile entre deux partis diamétralenient opposés. D’un côté on voyait un cardinal de Lorraine, un cardinal de Tournon, des évêques comblés de richesses, un jésuite nommé Lainez[2], et des moines, défenseurs opiniâtres de l’autorité du pape ; de l’autre étaient de simples ministres protestants[3], tous pauvres, tous voulant qu’on fût pauvre comme eux, et tous ennemis irréconciliables de cette puissance papale qu’ils regardaient comme l’usurpation la plus tyrannique.

Les deux partis se séparèrent très-mécontents l’un de l’autre, ce qui ne pouvait être autrement.

Jacques-Auguste de Thou rapporte que le cardinal de Tournon, ayant reproché vivement à la reine d’avoir mis au hasard la religion romaine en permettant cette dispute publique, Catherine lui répondit : « Je n’ai rien fait que de l’avis du conseil et du parlement de Paris. »

Il paraît cependant que la majorité du parlement était alors contre les réformateurs. Apparemment la reine entendait que les principales têtes de ce corps lui avaient conseillé le colloque de Poissy.

Après cette conférence, dont on sortit plus aigri qu’on n’y était entré, la cour, pour prévenir les troubles, assembla dans Saint-Germain-en-Laye, le 17 janvier 1562, des députés de tous les parlements du royaume. Le chancelier de L’Hospital leur dit

  1. L’ouverture s’en fit le 9 septembre.
  2. Ce Jacques Lainez, né en 1512, mort en 1505, était, depuis 1558, général des jésuites. Il avait succédé dans cette place au fondateur saint Ignace, et obtint l’introduction de sa société en France. Voyez page 519 ; voyez aussi ce que Voltaire a dit de Lainez, tome XII, page 503. (B.)
  3. De leur nombre était Théodore de Bèze ; voyez tome XII, page 503.