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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/551

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MEURTRE DE HENRI III.


Le 13 mars[1], le duc de Mayenne prêta dans la grand’chambre le serment de lieutenant général de l’État royal et couronne de France. Le président Brisson lisait le serment, et le duc de Mayenne répétait mot à mot après lui.

Le même esprit de sédition avait gagné presque toutes les villes du royaume. La populace de Toulouse égorgea le premier président Duranti et l’avocat général Daffis, deux magistrats connus par leur fidélité pour le roi et par l’intégrité de leur vie. On pendit le cadavre de Duranti à une potence. Les autres membres du parlement de Toulouse, dont deux conseillers, comme le remarque de Thou, avaient les mains encore teintes du sang de leur premier président, embrassèrent le parti de la Ligue. Henri III fut pendu en effigie dans la place publique par le peuple furieux. On vendait une mauvaise estampe de lui, et on criait : À cinq sous notre tyran.

Henri III, qui s’était attiré tant de malheurs pour n’avoir pas voulu s’unir avec Henri de Navarre, et pour s’être imaginé qu’il pourrait triompher à la fois de la Ligue et de ce brave prince, fut enfin obligé d’avoir recours à lui. Les deux rois joignirent leurs armées, et vinrent se camper à Saint-Cloud, devant Paris. La duchesse de Montpensier, sœur du duc de Guise et du cardinal de Lorraine, animait avec fureur les Parisiens à soutenir toutes les horreurs du siége.

Il est rapporté dans le Journal de Henri III que le roi lui fit dire qu’il la ferait brûler vive ; à quoi elle répondit : « Le feu est pour des sodomites tels que lui. »

Trois jours après ce discours, le moine Jacques Clément, jacobin, que le président de Thou ne fait âgé que de vingt-deux ans, assassina Henri III dans Saint-Cloud.

On trouve dans les Mémoires de ce temps-là que La Guesle, procureur général, qui avait trouvé le moyen de s’évader de Paris, et qui malheureusement présenta lui-même le moine au roi, ne fut point appelé pour faire le procès au cadavre du meurtrier, tué de plusieurs coups de la main des gardes immédiatement après avoir commis son crime. Il déposa comme un autre dans le procès criminel fait au cadavre par le marquis de Richelieu, grand prévôt de France ; et ce fut Henri IV qui porta lui-même l’arrêt, le 2 août 1589, et condamna le corps du moine à être écartelé et brûlé. Le même prince condamna, deux jours

  1. 1589. (Note de Voltaire.)