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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome16.djvu/239

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LIVRE TROISIÈME.


était bien éloigné de songer à leur faire revoir leur patrie. « Monsieur le maréchal, dit-il, je vois bien où vous voudriez me mener ; mais nous ne retournerons pas à Stockholm sitôt. »

L’armée était déjà en marche, et passait auprès de Dresde : Charles était à la tête, courant toujours, selon sa coutume, deux ou trois cents pas devant ses gardes. On le perdit tout d’un coup de vue : quelques officiers s’avancèrent à bride abattue pour savoir où il pouvait être ; on courut de tous côtés, on ne le trouva point : l’alarme est en un moment dans toute l’armée ; on fait halte ; les généraux s’assemblent ; on était déjà dans la consternation ; on apprit enfin d’un Saxon qui passait ce qu’était devenu le roi.

L’envie lui avait pris, en passant si près de Dresde, d’aller rendre une visite au roi Auguste : il était entré à cheval dans la ville, suivi de trois ou quatre officiers généraux ; on leur demanda leur nom à la barrière : Charles dit qu’il s’appelait Carl, et qu’il était draban ; chacun prit un nom supposé. Le comte Flemming, les voyant passer dans la place, n’eut que le temps de courir avertir son maître. Tout ce qu’on pouvait faire dans une occasion pareille s’était déjà présenté à l’idée du ministre : il en parlait à Auguste ; mais Charles entra tout botté dans la chambre, avant qu’Auguste eût eu même le temps de revenir de sa surprise. Il était malade alors, et en robe de chambre : il s’habilla en hâte, Charles déjeuna avec lui comme un voyageur qui vient prendre congé de son ami ; ensuite il voulut voir les fortifications. Pendant le peu de temps qu’il employa à les parcourir, un Livonien proscrit en Suède, qui servait dans les troupes de Saxe, crut que jamais il ne s’offrirait une occasion plus favorable d’obtenir sa grâce ; il conjura le roi Auguste de la demander à Charles, bien sûr que ce roi ne refuserait pas cette légère condescendance à un prince à qui il venait d’ôter une couronne, et entre les mains duquel il était dans ce moment. Auguste se chargea aisément de cette affaire. Il était un peu éloigné du roi de Suède, et s’entretenait avec Hord, général suédois. « Je crois, lui dit-il en souriant, que votre maître ne me refusera pas. — Vous ne le connaissez pas, repartit le général Hord ; il vous refusera plutôt ici que partout ailleurs. » Auguste ne laissa pas de demander au roi en termes pressants la grâce du Livonien. Charles la refusa d’une manière à ne se la pas faire demander une seconde fois. Après avoir passé quelques heures dans cette étrange visite, il embrassa le roi Auguste, et partit. Il trouva, en rejoignant son armée, tous ses généraux encore en alarmes : ils lui dirent qu’ils comptaient assiéger Dresde, en cas