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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/274

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ANGE.

chez les Juifs sont précisément ce qu’étaient les dieux d’Homère, des êtres célestes subordonnés à un être suprême. L’imagination qui a produit les uns a probablement produit les autres. Le nombre des dieux inférieurs s’accrut avec la religion d’Homère. Le nombre des anges s’augmenta chez les chrétiens avec le temps.

Les auteurs connus sous le nom de Denis l’Aréopagite et de Grégoire Ier fixèrent le nombre des anges à neuf chœurs dans trois hiérarchies : la première, des séraphins, des chérubins, et des trônes ; la seconde, des dominations, des vertus, et des puissances ; la troisième, des principautés, des archanges, et enfin des anges, qui donnent la dénomination à tout le reste. Il n’est guère permis qu’à un pape de régler ainsi les rangs dans le ciel.

SECTION III[1].

Ange, en grec, envoyé ; on n’en sera guère plus instruit quand on saura que les Perses avaient des Péris, les Hébreux des Malakim, les Grecs leurs Daimonoi.

Mais ce qui nous instruira peut-être davantage, ce sera qu’une des premières idées des hommes a toujours été de placer des êtres intermédiaires entre la Divinité et nous : ce sont ces démons, ces génies que l’antiquité inventa ; l’homme fit toujours les dieux à son image. On voyait les princes signifier leurs ordres par des messagers, donc la Divinité envoie aussi ses courriers ; Mercure, Iris, étaient des courriers, des messagers.

Les Hébreux, ce seul peuple conduit par la Divinité même, ne donnèrent point d’abord de noms aux anges que Dieu daignait enfin leur envoyer ; ils empruntèrent les noms que leur donnaient les Chaldéens, quand la nation juive fut captive dans la Babylonie ; Michel et Gabriel sont nommés pour la première fois par Daniel, esclave chez ces peuples. Le Juif Tobie, qui vivait à Ninive, connut l’ange Raphaël qui voyagea avec son fils pour l’aider à retirer de l’argent que lui devait le Juif Gabael.

Dans les lois des Juifs, c’est-à-dire dans le Lévitique et le Deutéronome, il n’est pas fait la moindre mention de l’existence des anges, à plus forte raison de leur culte ; aussi les saducéens ne croyaient-ils point aux anges.

Mais dans les histoires des Juifs il en est beaucoup parlé. Ces anges étaient corporels ; ils avaient des ailes au dos, comme les

  1. Dictionnaire philosophique, édition de 1764. (B.)