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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/288

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ANTHROPOPHAGES.

quelque manière qu’ils raisonnent, on doit croire que les pères et mères mangèrent leurs enfants au siège de Samarie, comme il est prédit expressément dans le Deutéronome.

La même chose arriva au siège de Jérusalem par Nabuchodonosor[1] : elle est encore prédite par Ézéchiel[2] .

Jérémie s’écrie dans ses lamentations[3] : « Quoi donc ! les femmes mangeront-elles leurs petits enfants qui ne sont pas plus grands que la main ? » Et dans un autre endroit[4] : « Les mères compatissantes ont cuit leurs enfants de leurs mains et les ont mangés. » On peut encore citer ces paroles de Baruch : « L’homme a mangé la chair de son fils et de sa fille[5]. »

Cette horreur est répétée si souvent qu’il faut bien qu’elle soit vraie ; enfin on connaît l’histoire rapportée dans Josèphe[6] de cette femme qui se nourrit de la chair de son fils lorsque Titus assiégeait Jérusalem.

Le livre attribué à Énoch, cité par saint Jude, dit que les géants nés du commerce des anges et des filles des hommes furent les premiers anthropophages.

Dans la huitième homélie attribuée à saint Clément, saint Pierre, qu’on fait parler, dit que les enfants de ces mêmes géants s’abreuvèrent de sang humain, et mangèrent la chair de leurs semblables. Il en résulta, ajoute l’auteur, des maladies jusqu’alors inconnues ; des monstres de toute espèce naquirent sur la terre, et ce fut alors que Dieu se résolut à noyer le genre humain. Tout cela fait voir combien l’opinion régnante de l’existence des anthropophages était universelle.

Ce qu’on fait dire à saint Pierre, dans l’homélie de saint Clément, a un rapport sensible à la fable de Lycaon, qui est une des plus anciennes de la Grèce, et qu’on retrouve dans le premier livre des Métamorphoses d’Ovide.

La Relation des Indes et de la Chine, faite au viiie siècle par deux Arabes, et traduite par l’abbé Renaudot, n’est pas un livre qu’on doive croire sans examen : il s’en faut beaucoup ; mais il ne faut pas rejeter tout ce que ces deux voyageurs disent, surtout lorsque leur rapport est confirmé par d’autres auteurs qui ont mérité quelque créance. Ils assurent que dans la mer des Indes il y a des

  1. Livre IV des Rois, chapitre xxv, v. 3. (Note de Voltaire.)
  2. Ézéchiel, chapitre v, v. 10. (Id.)
  3. Lament., chapitre ii, v. 20. (Id.)
  4. Chapitre iv, v. 10. (Id.
  5. Chapitre ii, v.3 (Id.)
  6. Livre VII, chapitre viii. (Id.)