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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/311

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APOCALYPSE.

dangers de la vie monacale ; Apocalypse de Méliton, parce que Méliton, évêque de Sardes, au iie siècle, avait passé pour prophète. L’ouvrage de cet évêque n’a rien des obscurités de l’Apocalypse de saint Jean ; jamais on ne parla plus clairement. L’évêque ressemble à ce magistrat qui disait à un procureur, « Vous êtes un faussaire, un fripon. Je ne sais si je m’explique. »

L’évêque de Belley suppute, dans son Apocalypse ou Révélation, qu’il y avait de son temps quatre-vingt-dix-huit ordres de moines rentés ou mendiants, qui vivaient aux dépens des peuples sans rendre le moindre service, sans s’occuper du plus léger travail. Il comptait six cent mille moines dans l’Europe. Le calcul est un peu enflé ; mais il est certain que le nombre des moines était un peu trop grand.

Il assure que les moines sont les ennemis des évêques, des curés et des magistrats.

Que parmi les privilèges accordés aux cordeliers, le sixième privilège est la sûreté d’être sauvé, quelque crime horrible qu’on ait commis[1], pourvu qu’on aime l’ordre de Saint-François.

Que les moines ressemblent aux singes[2] : plus ils montent haut, plus on voit leur cul.

Que le nom de moine[3] est devenu si infâme et si exécrable qu’il est regardé par les moines mêmes comme une sale injure, et comme le plus violent outrage qu’on leur puisse faire.

Mon cher lecteur, qui que vous soyez, ou ministre ou magistrat, considérez avec attention ce petit morceau du livre de notre évêque.

«[4] Représentez-vous le couvent de l’Escurial ou du Mont-Cassin, où les cénobites ont toutes sortes de commodités nécessaires, utiles, délectables, superflues, surabondantes, puisqu’ils ont les cent cinquante mille, les quatre cent mille, les cinq cent mille écus de rente ; et jugez si monsieur l’abbé a de quoi laisser dormir la méridienne à ceux qui voudront.

« D’un autre côté, représentez-vous un artisan, un laboureur, qui n’a pour tout vaillant que ses bras, chargé d’une grosse famille, travaillant tous les jours en toute saison comme un esclave pour

  1. Page 89. (Note de Voltaire.)
  2. Page 105. (Id.)
  3. Page 101. (Id.)
  4. Pages 160 et 161. (Id.)