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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/384

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ARIANISME.

brassèrent pour gouverner les peuples conquis par la propre religion de ces peuples mêmes.

Mais la foi nicéenne ayant été reçue chez les Gaulois, Clovis, leur vainqueur, suivit leur communion par la même raison que les autres barbares avaient professé la foi arienne.

Le grand Théodoric, en Italie, entretint la paix entre les deux partis ; et enfin la formule nicéenne prévalut dans l’Occident et dans l’Orient.

L’arianisme reparut vers le milieu du xvie siècle, à la faveur de toutes les disputes de religion qui partageaient alors l’Europe ; mais il reparut armé d’une force nouvelle et d’une grande incrédulité. Quarante gentilshommes de Vicence formèrent une académie, dans laquelle on n’établit que les seuls dogmes qui parurent nécessaires pour être chrétien. Jésus fut reconnu pour verbe, pour sauveur, et pour juge : mais on nia sa divinité, sa consubstantialité, et jusqu’à la Trinité.

Les principaux de ces dogmatiseurs furent Lélius Socin, Ochin, Paruta, Gentilis. Servet se joignit à eux. On connaît sa malheureuse dispute avec Calvin ; ils eurent quelque temps ensemble un commerce d’injures par lettres. Servet fut assez imprudent pour passer par Genève, dans un voyage qu’il faisait en Allemagne. Calvin fut assez lâche pour le faire arrêter, et assez barbare pour le faire condamner à être brûlé à petit feu, c’est-à-dire au même supplice auquel Calvin avait à peine échappé en France. Presque tous les théologiens d’alors étaient tour à tour persécuteurs ou persécutés, bourreaux ou victimes.

Le même Calvin sollicita dans Genève la mort de Gentilis. Il trouva cinq avocats qui signèrent que Gentilis méritait de mourir dans les flammes. De telles horreurs sont dignes de cet abominable siècle. Gentilis fut mis en prison, et allait être brûlé comme Servet ; mais il fut plus avisé que cet Espagnol : il se rétracta, donna les louanges les plus ridicules à Calvin, et fut sauvé. Mais son malheur voulut ensuite que, n’ayant pas assez ménagé un bailli du canton de Berne, il fût arrêté comme arien. Des témoins déposèrent qu’il avait dit que les mots de trinité, d’essence, d’hypostase, ne se trouvaient pas dans l’Écriture sainte ; et sur cette déposition, les juges, qui ne savaient pas plus que lui ce que c’est qu’une hypostase, le condamnèrent, sans raisonner, à perdre la tête.

Faustus Socin, neveu de Lélius Socin, et ses compagnons, furent plus heureux en Allemagne ; ils pénétrèrent en Silésie et en Pologne ; ils y fondèrent des églises ; ils écrivirent, ils prêchè-