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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/600

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VŒUX.

on le descendit dans une fosse profonde, au bas de laquelle est une pierre très-grosse à laquelle une chaîne de fer est scellée. Il fut attaché à cette chaîne par un pied ; ou mit auprès de lui un pain d’orge et une cruche d’eau ; après quoi on referma la fosse, qui se bouche avec un large plateau de grès, qui ferme l’ouverture par laquelle on l’avait descendu.

Au bout de trois jours on le tira de sa fosse pour le faire comparaître devant la tournelle des capucins. Il fallait savoir s’il avait des complices de son évasion ; et pour l’engager à les révéler, on l’appliqua à la question usitée dans le couvent. Cette question préparatoire est infligée avec des cordes qui serrent les membres du patient, et qui lui font souffrir une espèce d’estrapade.

Quand il eut subi ces tourments, il fut condamné à être enfermé pendant deux ans dans son cachot, et à en sortir trois fois par semaine pour recevoir sur son corps entièrement nu la discipline avec des chaînes de fer.

Son tempérament résista seize mois entiers à ce supplice. Il fut enfin assez heureux pour se sauver, à la faveur d’une querelle arrivée entre les capucins. Ils se battirent les uns contre les autres, et le prisonnier échappa pendant la mêlée.

S’étant caché pendant quelques heures dans des broussailles, il se hasarda de se mettre en chemin au déclin du jour, pressé par la faim et pouvant à peine se soutenir. Un samaritain qui passait eut piété de ce spectre ; il le conduisit dans sa maison et lui donna du secours. C’est cet infortuné lui-même qui m’a conté son aventure en présence de son libérateur. Voilà donc ce que les vœux produisent !

C’est une question fort curieuse de savoir si les horreurs qui se commettent tous les jours chez les moines mendiants sont plus révoltantes que les richesses pernicieuses des autres moines, qui réduisent tant de familles à l’état de mendiants.

Tous ont fait vœu de vivre à nos dépens, d’être un fardeau à leur patrie, de nuire à la population, de trahir leurs contemporains et la postérité. Et nous le souffrons !

Autre question intéressante pour les officiers :

On demande pourquoi on permet à des moines de reprendre un de leurs moines qui s’est fait soldat, et pourquoi un capitaine ne peut reprendre un déserteur qui s’est fait moine.