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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome21.djvu/273

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L’INGÉNU
HISTOIRE VÉRITABLE
TIRÉE DES MANUSCRITS DE P. QUESNEL[1].


(1767)



CHAPITRE I.

COMMENT LE PRIEUR DE NOTRE-DAME DE LA MONTAGNE ET MADEMOISELLE SA SŒUR RENCONTRÈRENT UN HURON.


Un jour saint Dunstan[2], Irlandais de nation et saint de profession, partit d’Irlande sur une petite montagne qui vogua vers les côtes de France, et arriva par cette voiture à la baie de Saint-Malo. Quand il fut à bord, il donna la bénédiction à sa montagne, qui lui fit de profondes révérences, et s’en retourna en Irlande par le même chemin qu’elle était venue.

Dunstan fonda un petit prieuré dans ces quartiers-là, et lui donna le nom de prieuré de la Montagne, qu’il porte encore, comme un chacun sait.

En l’année 1689[3], le 15 juillet au soir, l’abbé de Kerkabon, prieur de Notre-Dame de la Montagne, se promenait sur le bord de la mer avec Mlle de Kerkabon, sa sœur, pour prendre le frais. Le prieur, déjà un peu sur l’âge, était un très-bon ecclésiastique, aimé de ses voisins, après l’avoir été autrefois de ses voisines. Ce

  1. Le P. Quesnel, à qui Voltaire attribue l’Ingénu, est le janséniste auteur des Réflexions morales, dont cent et une propositions furent condamnées par la bulle Unigenitus.
  2. Né vers 924, mort en 988.
  3. Année où Guillaume III venait d’être proclamé roi d’Angleterre, et où commencèrent les hostilités entre la France et l’Angleterre.