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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/165

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SUR L’INFINI ET SUR LA CHRONOLOGIE.

culier qui le faisait avancer vers l’orient pendant que toutes les étoiles semblaient faire leur route journalière d’orient en occident. À cette erreur ils en ajoutèrent une seconde bien plus essentielle : ils crurent que le ciel prétendu des étoiles fixes avançait vers l’orient d’un degré en cent années. Ainsi ils se trompèrent dans leur calcul astronomique aussi bien que dans leur système physique. Par exemple un astronome aurait dit alors : « L’équinoxe du printemps a été, du temps d’un tel observateur, dans un tel signe, à une telle étoile ; il a fait deux degrés de chemin depuis cet observateur jusqu’à nous : or deux degrés valent deux cents ans, donc cet observateur vivait deux cents ans avant moi. » Il est certain qu’un astronome qui eût raisonné ainsi se serait trompé[1] environ de cinquante ans. Voilà pourquoi les anciens, doublement trompés, composèrent leur grande année du monde, c’est-à-dire de la révolution de tout le ciel, d’environ trente-six mille ans. Mais les modernes savent que cette révolution imaginaire du ciel des étoiles n’est autre chose que la révolution des pôles de la terre, qui se fait en vingt-cinq mille neuf cents ans[2]. Il est bon de remarquer ici en passant que Newton, en déterminant la figure de la terre, a très-heureusement expliqué la raison de cette révolution.

Tout ceci posé, il reste, pour fixer la chronologie, de voir par quelle étoile le colure des équinoxes[3] coupe aujourd’hui l’écliptique au printemps, et de savoir s’il ne se trouve point quelque ancien qui nous ait dit en quel point l’écliptique était coupée[4] de son temps par le même colure des équinoxes.

Clément Alexandrin rapporte que Chiron, qui était de l’expédition des Argonautes, observa les constellations au temps de cette fameuse expédition, et fixa l’équinoxe du printemps au milieu du bélier, l’équinoxe d’automne[5] au milieu de la balance, le solstice de notre été au milieu du cancre[6], et le solstice d’hiver au milieu du capricorne.

Longtemps après l’expédition des Argonautes, et un an avant la guerre du Péloponèse, Méton observa que le point du solstice d’été passait par le huitième degré du cancre[7].

Or chaque signe du zodiaque est de trente degrés. Du temps de Chiron le solstice était à la moitié du signe, c’est-à-dire au

  1. 1734. « Trompé justement de cinquante-quatre ans. »
  2. 1734. « Années. »
  3. 1734. « De l’équinoxe. »
  4. 1734. « Coupé. »
  5. 1734. « De l’automne. »
  6. 1734. « Cancer. »
  7. 1734. « Cancer. »