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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/238

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CHAPITRE VII.

est nécessaire et détermine nécessairement la volonté, » supposent que l’esprit agit physiquement sur la volonté. Ils disent une absurdité visible, car ils supposent qu’une pensée est un petit être réel qui agit réellement sur un autre être nommé la volonté ; et ils ne font pas réflexion que ces mots la volonté, l’entendement, etc., ne sont que des idées abstraites, inventées pour mettre de la clarté et de l’ordre dans nos discours, et qui ne signifient autre chose sinon l’homme pensant et l’homme voulant. L’entendement et la volonté n’existent donc pas réellement comme des êtres différents, et il est impertinent de dire que l’un agit sur l’autre.

S’ils ne supposent pas que l’esprit agisse physiquement sur la volonté, il faut qu’ils disent, ou que l’homme est libre, ou que Dieu agit pour l’homme, détermine l’homme, et est éternellement occupé à tromper l’homme ; auquel cas ils avouent au moins que Dieu est libre. Si Dieu est libre, la liberté est donc possible, l’homme peut donc l’avoir. Ils n’ont donc aucune raison pour dire que l’homme ne l’est pas.

Ils ont beau dire, l’homme est déterminé par le plaisir : c’est confesser, sans qu’ils y pensent, la liberté ; puisque faire ce qui fait plaisir c’est être libre.

Dieu, encore une fois, ne peut être libre que de cette façon. Il ne peut opérer que selon son plaisir. Tous les sophismes contre la liberté de l’homme attaquent également la liberté de Dieu.

Le dernier refuge des ennemis de la liberté est cet argument-ci :

« Dieu sait certainement qu’une chose arrivera : il n’est donc pas au pouvoir de l’homme de ne la pas faire. »

Premièrement, remarquez que cet argument attaquerait encore cette liberté qu’on est obligé de reconnaître dans Dieu. On peut dire : Dieu sait ce qui arrivera ; il n’est pas en son pouvoir de ne pas faire ce qui arrivera. Que prouve donc ce raisonnement tant rebattu ? Rien autre chose, sinon que nous ne savons et ne pouvons savoir ce que c’est que la prescience de Dieu, et que tous ses attributs sont pour nous des abîmes impénétrables.

Nous savons démonstrativement que si Dieu existe, Dieu est libre ; nous savons en même temps qu’il sait tout ; mais cette prescience et cette omniscience sont aussi incompréhensibles pour nous que son immensité, sa durée infinie déjà passée, sa durée infinie à venir, la création, la conservation de l’univers, et tant d’autres choses que nous ne pouvons ni nier ni connaître.

Cette dispute sur la prescience de Dieu n’a causé tant de que-