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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/306

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ESSAI SUR LA NATURE DU FEU

surface ; elles devaient donc avoir alors moins de pesanteur spécifique. Je puis donc, de cela même qu’elles pèsent également chaudes comme froides, conclure que le feu qui les pénétrait leur donnait précisément autant de poids que leur dilatation leur en faisait perdre, et que par conséquent le feu est réellement pesant.

Mais, disais-je, toutes les calcinations après lesquelles les matières ont augmenté de poids n’ont-elles pas aussi dilaté ces matières ? Il leur arrive donc la même chose qu’à mon fer ardent. Cependant ces matières pèsent, brûlantes et calcinées, un dixième de plus qu’avant d’avoir été exposées au feu ; et deux milliers de fer ardent et froid conservent toujours leur même poids. Se peut-il que dans quatre onces de poudre d’antimoine, exposées quelques minutes au feu du soleil ou calcinées quelques heures au fourneau de réverbère, il soit entré incomparablement plus de matière ignée que dans ces masses pénétrées pendant vingt-quatre heures du feu le plus violent ?

Je songeai donc à peser quelque chose de beaucoup plus chaud encore que le fer embrasé ; je suspendis, près d’un fourneau où l’on fait la fonte, trois marmites de fer très-épaisses, à trois balances bien exactes ; je fis puiser de la fonte en fusion ; je fis porter cent livres de ce feu liquide dans une marmite, trente-cinq livres dans une autre, vingt-cinq livres dans la troisième. Il se trouva, au bout de six heures, que les cent livres avaient acquis quatre livres étant refroidies, les vingt-cinq livres à peu près une livre, et les trente-cinq livres environ une livre une once et demie.

Je m’étais servi, dans cette expérience, de la fonte blanche, dont il est parlé dans l’Art de forger le fer, livre qui devait procurer au public plus d’avantages que la jalousie des ouvriers ne l’a souffert.

Je répétai plusieurs fois cette expérience, et je trouvai toujours à peu près la même augmentation de poids dans la fonte blanche refroidie.

Mais la fonte grise, qui est toujours moins cuite, moins métallique que l’autre, me donna toujours un même poids, soit froide, soit ardente.

Que dois-je penser de cette expérience ? S’il est vrai, comme le dit M. de Réaumur dans les Mémoires de 1726, page 273, que le fer « augmente de volume en passant de l’état de fusion à celui de solidité », il doit donc avoir une pesanteur spécifique moindre dans l’état de solidité ; et cependant le voilà qui, solide, pèse beaucoup plus que fluide ; voilà quatre livres d’augmentation sur