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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/320

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ESSAI SUR LA NATURE DU FEU

tion entre les particules du feu et les autres corps qu’il est difficile d’assigner la cause de cette attraction.

Ayant reconnu cette propriété singulière du feu d’être attiré par les corps, de se plier vers eux, d’accélérer son mouvement vers eux, et dans eux, sitôt qu’ils sont dans la sphère de l’attraction, on ne doit plus être si étonné qu’il rejaillisse des corps solides avant de les avoir touchés : car, si les corps ont le pouvoir de l’attirer à quelque distance, pourquoi n’auront-ils pas aussi celui de le repousser à cette même distance ?

Or, que des parties de feu soient repoussées de dessus la surface des corps sans la toucher, c’est un phénomène dont il n’est plus permis de douter.

On sait que la lumière, tombant sur un prisme et faisant avec sa perpendiculaire un angle de près de 40 degrés, passe au travers de ce prisme et va dans l’air ; mais qu’à un angle de 41 elle ne passe plus, elle est réfléchie tout entière ; mais alors si l’on met de l’eau sous ce prisme, la même lumière, qui ne passait point dans l’air à 41 degrés, passe à cette même obliquité dans l’eau ; elle trouve pourtant dans l’eau plus de parties solides que dans l’air ; elle ne rejaillit point de dessus cette eau, et elle rejaillit de dessus cet air : donc elle n’est pas réfléchie en ce cas par les parties solides.

Ajoutez à cette expérience celle des corps réduits en lames minces, qui réfléchissent certains rayons de lumière, et qui laissent passer ces mêmes rayons quand leurs lames sont épaisses. Ajoutez les inégalités extrêmes des miroirs les plus polis, qui cependant réfléchissent la lumière également et avec régularité, et qui par conséquent ne peuvent renvoyer avec régularité ce qu’ils reçoivent si irrégulièrement ; on conviendra que la lumière, qui n’est autre chose que du feu, rejaillit sans toucher aux corps dont elle semble rejaillir.

De cette attraction et de cette répulsion de la matière du feu à quelque distance des corps solides n’est-il pas prouvé qu’il y a une action et une réaction entre tous les corps et le feu, telle qu’il y en a une entre les corps qui s’attirent et qui se repoussent ? La différence est (comme dit à peu près le grand Newton dans

    milieu, et chaque rayon ne suit pas dans les différents milieux la même loi de réfrangibilité. Autre phénomène plus compliqué dont on ignore absolument la cause et la loi. On peut consulter sur ces objets une suite de recherches sur l’optique, publiées par M. l’abbé Rochon. (K.)
    — Nous avons déjà fait observer que Voltaire, ou plutôt Newton, se trompe en croyant la vitesse de la lumière plus grande dans les milieux plus réfringents. (D.)