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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/342

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ESSAI SUR LA NATURE DU FEU

Un métal en fusion, par exemple, ne contient plus, quand il est refroidi, qu’une masse de feu déterminée dont l’action est surmontée par la masse du métal ; et il s’est exhalé la masse de feu étrangère, dont l’action avait surmonté la résistance de ce métal.

Si ce métal ne s’est enflammé que par le mouvement, comme l’essieu d’un carrosse, il n’a point acquis de feu étranger ; mais la masse de feu contenue dans sa substance a acquis un mouvement nouveau ; et, la vitesse multipliée par cette même masse de feu ayant échauffé le corps, la cessation de ce mouvement étranger le refroidit. Pour éteindre un feu quelconque, il faut donc diminuer sa masse ou son mouvement[1].

L’air incessamment renouvelé servant de soufflet pour entretenir tout feu médiocre, l’absence de cet air suffit pour que le feu s’éteigne.

L’eau jetée sur le feu l’éteint pour deux raisons : premièrement, parce qu’elle touche la matière embrasée, et se met entre l’air et elle ; secondement, parce qu’elle contient bien moins de feu que le corps embrasé qu’elle touche.

L’huile, au contraire, contenant beaucoup de feu, augmente l’embrasement au lieu de l’éteindre.

Comme l’extinction du feu dépend toujours de la quantité de la force de cet élément, et de la force qu’on lui oppose, un charbon ardent, un fer ardent même, s’éteignent dans l’huile la plus bouillante comme dans l’eau froide.

La raison en est que ces petites masses de feu n’ont pas la force de séparer les flegmes de l’huile, et que cette huile bouillante n’ayant qu’une chaleur déterminée qui la rend froide, par comparaison au fer ardent, elle le refroidit en le touchant, en appliquant à sa surface des parties froides qui diminuent le mouvement du feu qui pénétrait ce fer ardent.

Le même fer embrasé s’éteindra dans l’alcool le plus pur, quoique cet alcool soit empreint de feu, et cela précisément par la même raison qu’il s’éteint dans l’huile ; mais, pour que du fer embrasé s’éteigne dans l’alcool, il faut que ce fer ne jette point de flamme : car, s’il en jette, cette flamme touchera l’alcool avant que le fer soit plongé, et alors la liqueur s’enflammera.

La raison en est que les vapeurs légères de l’alcool sont aisément divisées par les parties fines de la flamme ; mais le feu du fer ardent, tout chargé de grosses molécules de fer, entre brus-

  1. Voltaire a ici le doigt sur la vérité. (D.)