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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/449

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PRINCIPES DE LA MATIÈRE.

Quand les hommes ont cru aux transmutations proprement dites, n’ont-ils point en cela été trompés par l’apparence, comme ceux qui ont cru que le soleil marchait ? car à voir du blé et de l’eau se convertir dans les corps humains en sang et en chair, qui n’aurait cru les transmutations ? Cependant tout cela est-il autre chose que des sels, des soufres, de la fange, etc., différemment arrangés dans le blé et dans notre corps ? Plus j’y fais réflexion, plus une métamorphose prise à la rigueur me semble n’être autre chose qu’une contradiction dans les termes. Pour que les parties primitives de sel se changent en parties primitives d’or, il faut, je crois, deux choses : anéantir ces éléments de sel, et créer des éléments de l’or. Voilà au fond ce que c’est que ces prétendues métamorphoses d’une matière homogène et uniforme admise jusqu’ici par tant de philosophes, et voici ma preuve.

Il est impossible de concevoir l’immutabilité des espèces, sans qu’elles soient composées de principes inaltérables. Pour que ces principes, ces premières parties constituantes, ne changent point, il faut qu’elles soient parfaitement solides, et par conséquent toujours de la même figure : si elles sont telles, elles ne peuvent pas devenir d’autres éléments, car il faudrait qu’elles reçussent d’autres figures ; donc, puisqu’il est impossible que, dans la constitution présente de cet univers, l’élément qui sert à faire un sel soit changé en l’élément du mercure, il faudrait, pour faire un élément de sel à la place d’un élément du mercure, anéantir un de ces éléments, et en créer un autre en sa place. Je ne sais comment Newton, qui admettait des atomes, n’en avait pas tiré cette induction si naturelle. Il reconnaissait de vrais atomes, des corps indivisibles comme Gassendi ; mais il était arrivé à cette assertion par ses mathématiques ; en même temps il croyait que ces atomes, ces éléments indivisés, se changeaient continuellement les uns en les autres. Newton était homme ; il pouvait se tromper comme nous.

On demandera ici sans doute comment les germes des choses étant durs et indivisés, ils peuvent s’accroître et s’étendre : ils ne s’accroissent probablement que par assemblage, par contiguïté ; plusieurs atomes d’eau forment une goutte, et ainsi du reste.

Il restera à savoir comment cette contiguïté s’opère, comment les parties des corps sont liées entre elles. Peut-être est-ce un des secrets du Créateur, lequel sera inconnu à jamais aux hommes. Pour savoir comment les parties constituantes de l’or forment un morceau d’or, il semble qu’il faudrait voir ces parties.

S’il était permis de dire que l’attraction est probablement