Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
452
DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III.

que le soleil n’est pas plus grand qu’il le paraît aux yeux. Voici en quoi consistait cette erreur des philosophes.

Il n’y a aucun corps dont nous puissions unir véritablement la surface. Cependant beaucoup de surfaces nous paraissent unies et d’un poli parfait. Pourquoi voyons-nous uni et égal ce qui ne l’est pas ? La superficie la plus égale n’est, par rapport aux petits corps qui composent la lumière, qu’un amas de montagnes, de cavités et d’intervalles, de même que la pointe de l’aiguille la plus fine est hérissée en effet d’éminences et d’aspérités que le microscope découvre.

Tous les faisceaux des rayons de lumière qui tomberaient sur ces inégalités se réfléchiraient selon qu’ils y seraient tombés : donc étant inégalement tombés ils ne se réfléchiraient jamais régulièrement, donc on ne pourrait jamais se voir dans une glace. De plus, le verre a probablement mille fois plus de pores que de matière ; cependant chaque point de la surface renvoie des rayons, donc ils ne sont point renvoyés par le verre.

La lumière qui nous apporte notre image de dessus un miroir ne vient donc point certainement des parties solides de la superficie de ce miroir ; elle ne vient point non plus des parties solides de mercure et d’étain étendues derrière cette glace. Ces parties ne sont pas plus planes, pas plus unies que la glace même. Les parties solides de l’étain et du mercure sont incomparablement plus grandes, plus larges que les parties solides constituantes de la lumière ; donc si les petites particules de lumière tombent sur ces grosses parties de mercure, elles s’éparpilleront de tous côtés comme des grains de plomb tombant sur des plâtras. Quel pouvoir inconnu fait donc rejaillir vers nous la lumière régulièrement ? il paraît déjà que ce ne sont pas les corps qui nous la renvoient ainsi. Ce qui semble le plus connu, le plus incontestable chez les hommes, devient un mystère plus grand que ne l’était autrefois la pesanteur de l’air. Examinons ce problème de la nature, notre étonnement redoublera. On ne peut s’instruire ici qu’avec surprise.

Prenez un morceau, un cube de cristal par exemple ; voici ce qui arrive aux rayons du soleil qui tombent sur ce corps solide et transparent (figure 2).

1° Une petite partie des rayons rebondit à vos yeux de sa première surface A, sans toucher même à cette surface, comme il sera plus amplement prouvé.

2° Une très-petite partie des rayons est reçue dans la substance de ce corps en B ; elle s’y joue, s’y perd, et s’y éteint : ce qui fait