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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/472

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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE III.

pénétré l’épaisseur du cristal. Cependant, malgré cette prodigieuse apparence de facilité, ils sont repoussés : ils le sont donc par une force qui est ici deux mille quatre cents fois plus puissante que l’air ; ils ne sont donc point repoussés par l’air ; les rayons, encore une fois, ne sont donc point réfléchis à nos yeux par les parties solides des corps. La lumière rejaillit si peu dessus les parties solides des corps, que c’est en effet du vide qu’elle rejaillit quelquefois : ce fait mérite une grande attention.

Vous venez de voir que la lumière, tombant à un angle de 40 degrés 19 minutes sur du cristal, rejaillit presque tout entière de dessus l’air qu’elle rencontre à la surface ultérieure de ce cristal ; que si la lumière y tombe à un angle moindre d’une seule minute, il en passe encore moins hors de cette surface dans l’air.

Newton a assuré que si on trouvait le secret d’ôter l’air de dessous ce morceau de cristal, alors il ne passerait plus de rayons, et que toute la lumière se réfléchirait : j’en ai fait l’expérience ; j’ai fait enchâsser un excellent prisme dans le milieu d’une platine de cuivre ; j’ai appliqué cette platine au haut d’un récipient ouvert, posé sur la machine pneumatique ; j’ai fait porter la machine dans ma chambre obscure. Là, recevant la lumière par un trou sur le prisme, et la faisant tomber à l’angle requis, je pompai l’air très-longtemps ; ceux qui étaient présents virent qu’à mesure qu’on pompait l’air, il passait moins de lumière dans le récipient, et qu’enfin il n’en passa presque plus du tout. C’était un spectacle très-agréable de voir cette lumière se réfléchir par le prisme, tout entière au plancher.

L’expérience démontre donc que la lumière, en ce cas, rejaillit du vide ; mais on sait bien que ce vide ne peut avoir d’action. Que peut-on donc conclure de cette expérience ? Deux choses très-palpables : la première, que la surface des solides ne renvoie pas la lumière ; la seconde, qu’il y a dans les corps solides un pouvoir inconnu qui agit sur la lumière ; et c’est cette seconde propriété que nous examinerons à sa place.

Il ne s’agit que de prouver ici que la lumière ne nous est point réfléchie par les parties solides.

Voici encore une preuve de cette vérité.

Tout corps opaque, réduit en lame mince, laisse passer à travers sa substance des rayons d’une certaine espèce, et réfléchit les autres rayons ; or si la lumière était renvoyée par les corps, tous les rayons qui tombent également sur ces lames seraient