Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
463
DES MIROIRS.

ties solides ; ces rayons, dis-je, retournent à vos yeux dans le même sens qu’ils sont arrivés à ce miroir. Si c’est votre visage que vous regardez, les rayons partis de votre visage parallèlement et en perpendiculaire sur le miroir y retournent de même qu’une balle qui rebondit perpendiculairement sur le plancher.

Si vous regardez dans ce miroir M (figure 11), un objet qui est à côté de vous comme A, il arrive aux rayons partis de cet objet la même chose qu’à une balle qui rebondirait en B, où est votre œil. C’est ce qu’on appelle l’angle d’incidence égal à l’angle de réflexion.

La ligne A C est la ligne d’incidence, la ligne C B est la ligne de réflexion. On sait assez, et le seul énoncé le démontre, que ces lignes forment des angles égaux sur la surface de la glace ; maintenant pourquoi ne vois-je l’objet ni en A, où il est, ni dans C, d’où viennent à mes yeux les rayons, mais en D, derrière le miroir même ?

La géométrie vous dira (figure 12) : C’est que l’angle d’incidence est égal à l’angle de réflexion ; c’est que votre œil en B rapporte l’objet en D ; c’est que les objets ne peuvent agir sur vous qu’en ligne droite, et que la ligne droite continuée dans votre œil B jusque derrière le miroir en D est aussi longue que la ligne A C et la ligne C B prises ensemble.

Enfin elle vous dira encore : Vous ne voyez jamais les objets que du point où les rayons commencent à diverger. Soit ce miroir M I.

Les faisceaux des rayons qui partent de chaque point de l’objet A commencent à diverger dès l’instant qu’ils partent de l’objet ; ils arrivent sur la surface du miroir : là chacun de ces rayons tombe, s’écarte, et se réfléchit vers l’œil. Cet œil les rapporte aux points D D, au bout des lignes droites, où ces mêmes rayons se rencontreraient ; mais, en se rencontrant aux points D D, ces rayons feraient la même chose qu’aux points A A : ils commenceraient à diverger ; donc vous voyez l’objet A A aux points D D.

Ces angles et ces lignes servent sans doute à vous donner une intelligence de cet artifice de la nature ; mais il s’en faut beaucoup qu’elles puissent vous apprendre la raison physique efficiente, pourquoi votre âme rapporte sans hésiter l’objet au delà du miroir à la même distance qu’il est au deçà. Ces lignes vous représentent ce qui arrive, mais elles ne vous apprennent point pourquoi cela arrive[1].

  1. Cette explication montre que nous voyons l’objet A A précisément comme nous verrions un objet semblable placé en D D, s’il n’y avait point de miroir. Nous le