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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/496

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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IX.

que ces deux sinus, de quelque grandeur qu’ils soient, sont toujours en proportion dans un milieu donné. Or cette proportion est différente quand la réfraction se fait dans un milieu différent.

La lumière qui tombe obliquement de l’air dans du cristal s’y brise de façon que le sinus de réfraction C D est au sinus d’incidence A B comme 2 à 3 : ce qui ne veut dire autre chose, sinon que cette ligne A B est un tiers plus grande dans l’air, en ce cas, que la ligne C D dans ce cristal.

Dans l’eau cette proportion est de 3 à 4 . Ainsi il est palpable que, dans tous les cas, dans toutes les obliquités d’incidence possibles, la force réfringente du cristal est à celle de l’eau comme 9 est à 8 ; il s’agit non-seulement de savoir la cause de la réfraction, mais celle de toutes ces réfractions différentes. C’est là que les philosophes ont tous fait des hypothèses, et se sont trompés.

Enfin Newton seul a trouvé la véritable raison qu’on cherchait. Sa découverte mérite assurément l’attention de tous les siècles : car il ne s’agit pas ici seulement d’une propriété particulière à la lumière, quoique ce fût déjà beaucoup ; nous verrons que cette propriété appartient à tous les corps de la nature.

Considérez que les rayons de la lumière sont en mouvement ; que s’ils se détournent en changeant leur course, ce doit être par quelque loi primitive, et qu’il ne doit arriver à la lumière que ce qui arriverait à tous les corps de même petitesse que la lumière, toutes choses d’ailleurs égales.

Qu’une balle de plomb A (figure 25) soit poussée obliquement de l’air dans l’eau, il lui arrivera d’abord le contraire de ce qui est arrivé à ce rayon de lumière : car ce rayon délié passe dans des pores, et cette balle, dont la superficie est large, rencontre la superficie de l’eau qui la soutient.

Cette balle s’éloigne donc d’abord de la perpendiculaire B ; mais lorsqu’elle a perdu tout ce mouvement oblique qu’on lui avait imprimé, elle tombe alors, à peu près suivant une perpendiculaire qu’on élèverait du point où elle commence à descendre. Elle retarde, comme on sait, sa chute dans l’eau, parce que l’eau lui résiste ; mais un rayon de lumière y augmente au contraire sa célérité, parce que l’eau ne résiste pas à ceux des rayons qui la pénètrent.

Il y a donc une force, telle qu’elle soit, qui agit entre les corps et la lumière.

Que cette attraction, que cette tendance existe, nous n’en pouvons douter : car nous avons vu la lumière, attirée par le verre, y rentrer sans toucher à rien : or, cette force agit nécessairement