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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/594

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TROISIÈME PARTIE. — CHAPITRE XIII.

queue qu’une comète observée autrefois, on ne sera pas encore absolument certain que cette comète soit la même : car il se peut très-bien faire qu’une comète dont on attendait le retour ait été détournée de son chemin par l’attraction de quelques corps célestes, laquelle aura changé sa courbe. Cette courbe, qui passait auparavant à quelque distance du soleil, aura passé depuis dans cet astre, et la comète y aura été engloutie ; une autre aura pris sa place par l’attraction de ce même corps céleste, et ce sera cette autre comète qu’on reverra à la place de celle qu’on attendait. Ainsi, après des observations de plusieurs milliers de siècles, on ne pourrait se flatter d’avoir une théorie bien démontrée des comètes.

Quant à ce qu’on nomme la queue, la chevelure et la barbe de la comète, c’est une longue traînée de lumière assez faible qui l’accompagne, tant quelle est exposée à notre vue : on l’appelle barbe, quand la comète parait à l’orient du soleil, et que cette lumière semble la précéder ; on l’appelle queue, quand elle est à l’occident, et que cette lumière semble la suivre. On l’appelle chevelure lorsque, étant en opposition avec le soleil, sa lumière semble plus répandue autour d’elle.

La situation de cette lumière, qui varie par rapport à nous, est toujours la même par rapport au soleil ; elle est toujours opposée à cet astre ; et cette vérité était connue dès le xvie siècle ; elle avait été découverte par Pierre Appien.

La queue des comètes est toujours moins brillante à mesure qu’elles s’éloignent du soleil.

Descartes s’est mépris dans l’explication de cette queue des comètes ; il prétendait que c’était une réfraction de la lumière de ces astres. Une seule réflexion renverse ce système. Les planètes ont beaucoup plus de lumière que les comètes : elles devraient donc avoir des queues, des chevelures, des barbes beaucoup plus longues; elles n’en ont point du tout. Cette explication de Descartes est donc sensiblement fausse.

Newton ajoute à cet argument contre Descartes une autre objection non moins décisive : c’est que si la réfraction de la lumière réfléchie du corps des comètes causait ces traînées de lumière, ou devrait y voir des couleurs différentes, attendu la grande inégalité des réfractions dans la longueur de ces queues.

Ces traînées de lumière ne sont autre chose que des parties enflammées de la comète même, que le soleil détache de ces globes qui approchent de lui. La preuve en est que ces vapeurs sont très-faibles et à peine visibles quand la comète commence