Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


HARANGUE


PRONONCÉE


LE JOUR DE LA CLÔTURE DU THÉÂTRE[1].




Messieurs,

Vous savez combien il est difficile de représenter dignement nos personnages ; mais oser parler devant vous en notre nom même, dépouillés des ornements[2] et de l’illusion qui nous soutiennent, c’est une hardiesse, je ne le sens que trop ici, qui a besoin de toute votre indulgence.

Jamais le public n’a été si éclairé en tout genre ; jamais les arts n’eurent besoin de plus d’efforts, et peut-être seraient-ils découragés, si vous aviez une sévérité proportionnée à vos lumières ; mais vous apportez ici cette vraie justice qui penche toujours plutôt vers la bonté que vers la rigueur. Plus vous connaissez l’art, plus vous en sentez les difficultés. Le spectateur ordinaire exigerait qu’on lui plût toujours ; semblable à l’homme sans expérience, qui attend des plaisirs dans toutes les circonstances de la vie. Le juge éclairé daigne se contenter qu’on le satisfasse quelquefois.

Vous démêlez et vous applaudissez une beauté au milieu

  1. Cette harangue, pour la clôture du théâtre, en 1730, fut prononcée le 24 mars, et, suivant l’usage, par le dernier comédien reçu dans la compagnie. C’était Ch. Fr.-N. Racot de Grandval, reçu à demi-part le 31 décembre 1729, mort le 25 septembre 1784. Cette pièce, admise dans la Collection des Œuvres de Voltaire, Amsterdam, 1764, tome Ier, deuxième partie, page 698, avait été imprimée, avec le nom de Voltaire, dès 1730, dans le volume intitulé Lettre à milord ***, sur Baron et la demoiselle Lecouvreur, etc., par George Wink (l’abbé d’Allainval). Paris, Heuqueville, 1730, in-12. L’édition de 1764 des Œuvres de Voltaire était, jusqu’à ce jour, la seule, à ma connaissance, qui contînt cette harangue. (B.)
  2. L’acteur qui débite cette harangue est en habit de ville. (Note de l’éditeur de 1750.)