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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/96

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AVERTISSEMENT DE BEUCHOT.

L’autorité ne savait sans doute pas, alors, que condamner un livre c’est lui donner de la célébrité, et conséquemment exciter à le lire. On vit les Lettres philosophiques renaître de leurs cendres, et se répandre partout.

L’édition saisie et condamnée se composait de vingt-cinq Lettres, et portait l’adresse de E. Lucas. Il est donc à croire que c’était une des trois éditions que j’ai signalées, portant ce nom, et même probablement celle en 354 pages, la seule qui contienne les vingt-cinq Lettres imprimées uniformément. Les deux autres ont dû être imprimées antérieurement, et n’ont été qu’après coup enrichies de la vingt-cinquième Lettre ; ce qui est évident, puisque dans l’une cette vingt-cinquième Lettre a une pagination séparée, et que dans l’autre elle est, ainsi que je l’ai dit, imprimée avec des caractères différents.

    société civile ; que c’est ce qui les a portés à prendre les conclusions sur lesquelles ils attendent qu’il plaise à la cour faire droit.

    Eux retirés,

    Vu le livre intitulé Lettres philosophiques, par M. de V……, à Amsterdam. chez E. Lucas, au Livre d’or, MDCCXXXIV, contenant vingt-cinq lettres sur différents sujets, ensemble les conclusions par écrit du procureur général du roi, la matière sur ce mise en délibération :

    La cour a arrêté et ordonné que ledit livre sera lacéré et brûlé dans la cour du Palais, au pied du grand escalier d’icelui, par l’exécuteur de la haute justice, comme scandaleux, contraire à la religion, aux bonnes mœurs et au respect dû aux puissances ; fait très-expresses inhibitions et défenses à tous libraires, imprimeurs, colporteurs, et à tous autres, de l’imprimer, vendre, débiter, ou autrement distribuer en quelque manière que ce puisse être, sous peine de punition corporelle : enjoint à tous ceux qui en auraient des exemplaires de les remettre incessamment au greffe civil de la cour, pour y être supprimés ; permet au procureur général du roi de faire informer contre ceux qui ont composé, imprimé, vendu, débité ou distribué ledit livre, par-devant M. Louis de Vienne, conseiller, pour les témoins qui seraient dans cette ville, et par-devant les lieutenants criminels des bailliages et sénéchaussées, et autres juges des cas royaux, à la poursuite des substituts du procureur général du roi lesdits siéges, pour les témoins qui se trouveraient lesdits lieux : permet à cet effet au procureur général du roi être par lui pris telles conclusions, et par la cour ordonné ce qu’il appartiendra. Ordonne que copies collationnées du présent arrêt seront envoyées aux bailliages et sénéchaussées du ressort, pour y être lu, publié et registré ; enjoint aux substituts du procureur général du roi d’y tenir la main, et d’en certifier la cour dans le mois. Fait en parlement, le 10 juin 1734.

    Signé : Dufranc.

    Et ledit jour, 10 juin 1734, onze heures du matin, à la levée de la cour, en exécution du susdit arrêt, le livre, y mentionné, a été lacéré et jeté au feu par l’exécuteur de la haute justice, en présence de nous Marie-Dagobert Ysabeau, l’un des trois premiers et principaux commis pour la grand’chambre, assisté de deux huissiers de ladite cour.

    Signé : Ysabeau.

    L’auteur était vivement poursuivi. Il se trouvait alors à Montjeu ; il put s’échapper et se réfugier en lieu sûr. Non-seulement il gagna Cirey, mais il prit le parti de se retirer en Hollande. En même temps il écrit à M. Hérault, lieutenant général de police, la lettre qu’on trouvera dans la Correspondance, à l’année 1734. Ce n’est qu’au bout de huit mois que Voltaire obtint la permission de revenir à Paris, par une lettre du lieutenant de police du 2 mars 1735. (L. M.)