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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/192

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FRAGMENTS HISTORIQUES

tien entre la raison humaine, qu’ils appellent narud, et la sagesse de Dieu, qu’ils nomment brim ou bram.

la raison.

Ô premier-né de Dieu ! on dit que tu créas le monde. Ta fille, la raison, étonnée de tout ce qu’elle voit, te demande comment tout fut produit.

la sagesse divine.

Ma fille, ne te trompe pas : ne pense point que j’aie créé le monde indépendamment du premier moteur. Dieu a tout fait. Je ne suis que l’instrument de sa volonté. Il m’appelle pour exécuter ses desseins éternels.

la raison.

Que dois-je penser de Dieu ?

la sagesse divine.

Qu’il est immatériel, incompréhensible, invisible, sans forme, éternel, tout-puissant, qu’il connaît tout, qu’il est présent partout.

la raison.

Comment Dieu créa-t-il le monde ?

la sagesse divine.

La volonté demeura dans lui de toute éternité : elle était triple, créatrice, conservatrice, exterminante… Dans une conjonction des destins et des temps, la volonté de Dieu se joignit à sa bonté, et produisit la matière. Les actions opposées de la volonté qui crée, et de la volonté qui détruit, enfantèrent le mouvement qui naît et qui périt[1]. Tout sortit de Dieu, et tout rentra dans Dieu… Il dit au sentiment : Viens ; et il le logea chez tous les animaux ; mais il donna la réflexion à l’homme pour l’élever au-dessus d’eux.

la raison.

Qu’entends-tu par sentiment ?

la sagesse divine.

C’est une portion de la grande âme de l’univers ; elle respire dans toutes les créatures pour un temps marqué.

la raison.

Que devient-il après leur mort ?

la sagesse divine.

Il anime d’autres corps, ou il se replonge, comme une goutte d’eau, dans l’océan immense dont il est sorti.

  1. Nous passons quelques lignes, de peur d’être longs et obscurs. (Note de Voltaire.)