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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/205

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SUR L’INDE.

Cette découverte prouve ce que nous avons dit[1], que l’Inde, ainsi que l’Égypte, appartint toujours à qui voulut s’en emparer. C’est le sort de presque tous les climats heureux.

La chronologie est très-bien observée par cet auteur ; il semble qu’il ait prévu la réforme que le grand Newton a faite à cette science : Newton et Féristha s’accordent dans l’époque de Darius, fils d’Hystaspe, et dans celle d’Alexandre.

L’auteur persan dit qu’Alexandre, devenu roi de Perse, ne fit la guerre à Porus que sur le refus de ce prince indien de payer le tribut ordinaire qu’il devait au roi de Perse. Ce Porus, que d’autres nomment Por, il l’appelle For, qui était probablement son véritable nom ; mais il ne dit point, comme Quinte-Curce, qu’Alexandre rendit son royaume au roi vaincu : au contraire, il assure que Porus, ou For, périt dans une grande bataille. Il ne parle point de Taxile ; ce n’est point un nom indien. Féristha ne dit rien de l’invasion de Gengis-kan, qui probablement ne fit que traverser le nord de l’Inde ; mais il dit qu’avant la conquête de cette vaste région par Tamerlan, un prince persan, dans neuf expéditions, en rapporta vingt mille livres pesant de diamants et de pierres précieuses. C’est une exagération sans doute : elle prouve seulement que les conquérants n’ont jamais été que des voleurs heureux, et que ce prince persan avait volé les Indiens neuf fois.

Il rapporte encore qu’un capitaine d’un autre brigand ou sultan persan, résidant à Delhi, ayant conduit un détachement de son armée dans le Bengale, à Golconde, au Décan, au Carnate, où sont aujourd’hui Madras et Pondichéry, revint présenter à son maître trois cent douze éléphants chargés de cent millions de livres sterling en or. Et le lieutenant-colonel Dow, qui sait ce que de simples officiers de la compagnie des Indes ont gagné dans ces pays, n’est point étonné de cette somme incroyable.

L’Inde n’a presque point de mines métalliques. Ces trésors ne venaient que du commerce des pierres précieuses et des diamants du Bengale, des épiceries de l’île de Serindib, et de mille manufactures dont le génie des brachmanes avait enseigné l’art aux peuples sédentaires, patients et appliqués, dans le midi de ces contrées, depuis Surate et Bénarès jusqu’à l’extrémité de Serindib sous l’équateur.

Les barbares vomis de Candahar, de Caboul, du Sablestan, avaient, sous le nom de sultans, ravagé le séjour paisible de

  1. Voyez tome XII, page 89.