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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome29.djvu/333

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nom de M. de Laharpe, pour l’insulter sans aucune raison. On est bien surpris qu’il continue comme il a débuté, et qu’après avoir fait un volume d’injures, déjà oublié, contre M, de Saint-Lambert[1] et tant d’autres gens de lettres si estimables, il veuille persuader au public que MM. de Voltaire et de Laharpe ont travaillé de concert à décrier le grand Corneille, tandis que l’auteur de Zaïre, d’Alzire, de Mèrope, de Brutus, de Sèmiramis, de Mahomet, de l’Orphelin de la Chine, de Tancrède, est à genoux devant le père du théâtre, devant le grand auteur du Cid, des Horaces, de Cinna, de Polyeucte, de Pompée ; tandis qu’il ne relève les fautes qu’en admirant les beautés avec enthousiasme ; tandis qu’à peine il critique Pertharite, Théodore, Don Sanche, Attila, Pulchérie, Agésilas, Suréna ; enfin, tandis qu’il n’a entrepris le commentaire de cet auteur si grand et si inégal que pour augmenter la dot de sa vertueuse descendante.

Il m’a paru que le commentateur de Corneille n’avait eu en vue que la vérité, et l’instruction des gens de lettres. J’aime à voir comment, en imitant la conduite de l’Académie lorsqu’elle jugea le Cid, il mêle à tout moment la juste louange à la juste critique. J’aime à voir comme il craint souvent de décider. Voici comme il s’exprime sur une difficulté qu’il se propose dans l’examen du troisième acte de Cinna : C’est sur quoi les lecteurs qui connaissent le cœur humain doivent prononcer. Je suis bien loin de porter un jugement. J’aime surtout à voir avec quel respect, avec quels sentiments d’un cœur pénétré, il met Cinna au-dessus de l’Électre et de l’Œdipe de Sophocle, ces deux chefs-d’œuvre de la Grèce ; et cela même en relevant de très-grands défauts dans Cinna. M. de Voltaire m’a paru un homme passionné de l’art, qui en sent les beautés avec idolâtrie, et qui est choqué très-vivement des défauts. Un libraire m’a assuré qu’il se traite ainsi lui-même, et qu’il a été malade, par un excès d’affliction, de ce qu’on avait imprimé de lui des pièces de société qu’il ne jugeait pas dignes du public.

Qu’a donc de commun M. Clément avec l’auteur de Cinna et avec celui de Mahomet ? De quel droit se met-il entre eux ? Pourquoi ce déchaînement contre tous ses contemporains ? Faut-il aboyer ainsi à la porte à tous ceux qui entrent dans la maison ? Que ne donne-t-il plutôt des exemples ? Que ne donne-t-il sa tra-

  1. Observations critiques sur la nouvelle traduction en vers français des Géorgiques de Virgile, et sur les poèmes des Saisons, de la Déclamation, et de la Peinture, 1771, in-8o.