Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/271

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Nous tâcherons au moins d'être courts en parlant de ces livres si longs.

Les Juifs ne lisent point les prophètes dans leurs synagogues, ou du moins les lisent très-rarement. Les chrétiens, pour la plupart, ne les connaissent que par quelques citations. Nous choisirons les morceaux les plus curieux et les plus singuliers. Commençons par Daniel, dont les aventures sont du temps de Nahuchodonosor et de ses successeurs.



DANIEL.

Les critiques osent affirmer que le livre de Daniel ne fut composé que du temps d’Antiochus-épiphane ; que toute l’histoire de Daniel n’est qu’un roman, comme ceux de Tobie, de Judith et d’Esther. Voici leurs raisons, qui ne sont fondées que sur les lumieres naturelles, et qui sont détruites par la décision de l’église, laquelle est au-dessus de toute lumiere. 1 il est dit que Daniel, esclave dès son enfance à Babylone avec Sidrac, Misac et Abdénago, fut fait eunuque avec ses trois compagnons, et élevé parmi les eunuques ; ce qui le mettait dans l’impuissance de prophétiser. On répond qu’il n’est pas dit expressément qu’on châtra Daniel ; mais seulement qu’on le mit sous la direction d’Ashphéner chef des eunuques. Il est très vraisemblable que Daniel subit cette opération, comme tous les autres enfants esclaves réservés pour servir dans la chambre du roi. Mais enfin il pouvait être destiné à d’autres emplois. Les bostangis ne sont point châtrés dans le serrail du grand-turc. Un eunuque ne pouvait être prêtre chez les juifs ; mais il n’est dit nulle part qu’il ne pouvait être prophete ; au contraire, plus il était délivré de ce que nous avons de terrestre, plus il était propre au céleste. 2 Daniel commence non seulement par expliquer un songe, mais encore par deviner quel songe a fait le roi. Le texte dit que le roi Nabucodonosor fut épouvanté de son rêve, et qu’aussitôt il l’oublia entiérement. Il assembla tous les mages, et leur dit : je vous ferai tous pendre, si vous ne m’apprenez ce que j’ai rêvé. Ils lui remontrerent qu’il leur ordonnait une chose impossible. Aussitôt le grand Nabucodonosor ordonna qu’on les pendît. Daniel Sydrac, Misac et Abdénago allaient être pendus aussi en qualité des novices-mages, lorsque Daniel leur