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LETTRE

��DU REVEREND PERE POLYGARPE

PRIEUR DES BERNARDINS DE CHÉZERY,

A M. L'AVOCAT GÉNÉRAL SÉGUIER».

(1776)

��J'ai lu, monsieur, avec admiration, votre éloquent plaidoyer contre cette abominable et détestable brochure des Inconvénients des droits féodaux; je tremblais pour le plus sacré de nos droits seigneuriaux, le plus convenable à des religieux, celui d'avoir des esclaves. Hélas! nous avons failli à le perdre. Notre couvent et les terres qui en dépendent étaient ci-devant enclavés dans les États du roi de Sardaigne ; ce n'est que par le dernier traité de délimitation de 1760 qu'ils ont été unis au royaume de France. Cette union est arrivée bien à propos. Si elle eût été difïérée de quelques années, cinq ou six mille serfs que nous possédons dans nos terres seraient libres aujourd'hui, en vertu de l'édit du feu roi de Sardaigne, de 1762, et nous aurions été dépouillés de nos autres droits féodaux, en vertu d'un autre édit du même prince, du mois de décembre 1771. Il est vrai que nous aurions été indemnisés de la perte de ces droits ; mais cette indemnité n'aurait consisté qu'à nous faire payer en argent un capital dont l'intérêt nous aurait produit sans iprocès le même revenu que nous tirons de nos vassaux avec le secours des procureurs et des

1. Ce fut le 23 février 1776 que, sur le réquisitoire d'Antoine-Louis Séguier, avocat général, le parlement de Paris condamna la brochure intitulée les Incon- vénients des droits féodaux (par P. -F. Boncerf, né en 1745, mort en 1794), à être lacérée et brûlée au pied du grand escalier du Palais, par l'exécuteur de la haute justice. La Lettre du R. P. Polycarpe doit avoir suivi de très-près l'arrêt du 23 février. (B.)

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