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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/585

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toujours pardonné. Je vous cite ce très-grand homme, parce que nos provinces respirèrent sous sa domination, ainsi que les Gaules ; parce qu’il y diminua les impôts des deux tiers, parce qu’il y rendit la justice comme Caton, parce que sa vigilance et son courage nous préservèrent du joug des Sicambres et des autres peuples transrhénois qui nous subjuguèrent depuis. Rien ne peut nous dispenser de la reconnaissance que nous devons à un héros, notre bienfaiteur 1.

Un écrit qui vous diffame semble punissable à proportion du mal qu’il peut faire. S’il est à craindre qu’il n’inspire la sédition contre le souverain, il doit être réprimé par une grande peine : et telle a été souvent la jurisprudence romaine. Si la diffamation ne porte que sur vos goûts, sur votre faiblesse, sur vos ridicules, gardez-vous bien d’intenter un procès, de peur d’être plus ridicule encore.

Je ne mettrai point ici au rang des libelles diffamatoires, réprimables par la justice ordinaire, certaines bulles que pourtant plusieurs parlements de France ont condamnées au feu, telles, par exemple, que celle qui fut publiée h Rome en 1585, à l’instigation de la Ligue,’ contre Henri IV, notre auguste allié, et contre le prince de Condé, son émule en vertu et en courage. Ils sont tous les deux appelés, dans ce libelle diffamatoire, « proies detestabilis ac degener familiœ Rorboniorum. Pronuntiamusillos haereticos, relapsos, haereticorum duces, impœnitentes, laesœ majestatis divinœ reos. Privamusillum Henricum Navarrœ regno; liunc et utrumque eorumque posteros omnibus principatibus, ducatibus, dominiis, et officiis regiis, etc., etc. » Et voici la traduction de ce mauvais latin: « Nous déclarons Henri ci-devant roi de Navarre, et Henri ci-devant prince de Condé, race détestable et dégénérée de la maison de Bourbon, hérétiques, relaps, chefs d’hérétiques, impénitents, criminels de lèse-majesté divine. Nous privons ce Henri de Navarre de son royaume, et chacun d’eux et leur postérité de toutes principautés, duchés, domaines, de tous honneurs et offices royaux, etc., etc. »

Un Gustave-Adolphe, un Charles XII, un Frédéric de Prusse, auraient répondu dans Rome à la tête d’une armée. Henri IV, aussi vaillant qu’eux, ne répondit que par un démenti affiché aux murs du Vatican. 11 n’avait point alors d’armée; et il n’en eut jamais une complète que dans le temps où le fanatisme l’as-

1. Voyez ci-dessus, page iiO, un des articles du Commentaire sur l’esprit des lois.