Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
CORRESPONDANCE.

117. — À M. THIERIOT.

À Forges, 5 août.

Il faut encore, mon cher Thieriot, que je passe ici douze jours. M. de Richelieu compte prendre des eaux ce temps-là, et je ne peux pas l’abandonner dans la douleur où il est ; pour moi, je ne prendrai plus d’eaux : elles me font beaucoup plus de mal qu’elles ne m’avaient fait de bien. Il y a plus de vitriol dans une bouteille d’eau de Forges que dans une bouteille d’encre, et, franchement, je ne crois pas l’encre trop bonne pour la santé. Je retournerai sûrement à la Rivière, quand M. de Richelieu partira de Forges. J’y retrouverai probablement quelques exemplaires de l’abbé de Chaulieu. Je vous donnerai les vers pour Mme la duchesse de Béthune, et vous montrerai un petit ouvrage[1] que j’ai déjà beaucoup avancé, et dont j’ose avoir bonne opinion, puisque l’impitoyable M. de Richelieu en est content. Vous ne me reverrez pas probablement avec une meilleure santé, mais sûrement avec la même amitié. Faites bien la cour à M. et à Mme de Bernières, et à tous ceux qui sont de la Rivière.



118. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES[2].

À Forges, ce vendredi au soir.

Il ne faut pas trop compter sur nos projets ; notre marche est encore changée : nous partons mardi prochain, quinzième du mois, et nous arriverons le même jour à Paris. Je comptais bien assurément vous revoir à la Rivière et vous y amener M. le duc de Richelieu ; mais j’éprouve depuis longtemps une destinée maligne qui dérange tous mes projets. Vous voyez bien que mon goût ne décide point du tout de ma conduite, puisque je ne reviens point auprès de vous. J’étais si charmé de la vie que je menais à votre campagne que partout ailleurs je me croirai dans un monde étranger. Faites en sorte du moins que le démon, qui m’empêche de coucher mardi à la Rivière, ne me fasse point passer la nuit dans la rue à Paris. Écrivez, je vous en prie, à votre tapissier qu’il me tienne un lit prêt chez vous mardi, sans faute, soit dans votre appartement, soit dans celui de M. de Bernières.

  1. L’Indiscret, comédie ; voyez tome II, page 241.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.