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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/165

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ANNÉE 1725.

les compliments de toute sa cour, qu’il mouille tous les jours à la chasse, par la pluie la plus horrible. Il va partir, dans le moment, pour Rambouillet, et épousera Mme Leczinska à Chantilly. Tout le monde fait ici sa cour à Mme de Besenval[1], qui est un peu parente de la reine. Cette dame, qui a de l’esprit, reçoit avec beaucoup de modestie les marques de bassesse qu’on lui donne. Je la vis hier chez M. le maréchal de Villars. On lui demanda à quel degré elle était parente de la reine ; elle répondit que les reines n’avaient point de parents. Les noces de Louis XV font tort au pauvre Voltaire. On ne parle de payer aucune pension, ni même de les conserver ; mais, en récompense, on va créer un nouvel impôt pour avoir de quoi acheter des dentelles et des étoffes pour la demoiselle Leczinska. Ceci ressemble au mariage du soleil, qui faisait murmurer les grenouilles[2]. Il n’y a que trois jours que je suis à Versailles, et je voudrais déjà en être dehors. La Rivière-Bourdet me plaira plus que Trianon et Marly, et je ne veux dorénavant d’autre cour que la vôtre. Mandez-moi des nouvelles de votre santé. Digérez-vous bien ? Allez-vous souvent aux spectacles ? Avez-vous fait dire à Dufresne et à la Lecouvreur de jouer Mariamne ? L’abbé Desfontaines est-il en liberté ? Thieriot est-il toujours bien sémillant ? Conservez-moi votre amitié, dont je fais plus de cas que d’une pension et de ceux qui la donnent.



152. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

À Fontainebleau, ce vendredi 17 septembre.

Pendant que Louis XV et Marie-Sophie-Félicité de Pologne sont, avec toute la cour, à la comédie italienne, moi, qui n’aime point du tout ces pantalons étrangers, et qui vous aime de tout mon cœur, je me renferme dans ma chambre pour vous mander les balivernes de ce pays-ci, que vous avez peut-être quelque curiosité d’apprendre. 1o M. de La Vrillière vient de mourir, cette nuit, à Fontainebleau, et M. le maréchal de Gramont[3] est mort à Paris, à la même heure. Ils ont assurément pris bien mal leur temps tous deux, car, au milieu de tout le tintamarre du

  1. Catherine de Bielenska, fille du comte de Bielenski, grand-maréchal de Pologne ; mariée, en 1718, à Jean-Victor de Besenval, dont elle eut, en 1721, le baron de Besenval, mort en 1794. On prononce ordinairement Bèseval. (Cl.)
  2. La Fontaine, livre VI, fable xii.
  3. Le maréchal de Gramont mourut le 16 septembre 1725, et le marquis de La Vrillière, dans la nuit du 16 au 17.