Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guère plus de culottes, et il est abbé comme lui ; mais il faut croire qu’il sera meilleur poëte.

Dites donc à notre philosophe Formont qu’il m’envoie quelque leçon de philosophie de sa main. Et votre Allégorie ? Adieu ; je vous embrasse.


358. — Á M. THIERIOT.
Ce 5 août.

Je vous regarderais comme l’homme du monde le plus barbare et le plus incapable d’humanité si je ne savais que vous êtes le plus faible. Je suis réduit à la dure nécessité de penser, ou que vous avez voulu séparer votre cause de la mienne, et vous faire un mérite de me manquer, en prenant pour prétexte la fable dont vous me parlez, ou que vous avez eu la misérable faiblesse de la croire.

Est-il possible qu’après vingt années d’une amitié telle que je l’ai eue pour vous, et dans les circonstances où je suis, vous ayez pu penser que je sois capable d’avoir dit la sottise lâche et absurde que vous m’imputez ? Moi, avoir dit que vous m’avez volé mon manuscrit ! Avez-vous eu assez de faiblesse pour le croire ? Monsieur le garde des sceaux, M. Rouillé, M. Hérault, M. Pallu, monsieur le cardinal, ont mes lettres, qui prouvent le contraire, et qui font bien foi que, si vous vous êtes chargé de l’édition de ce livre, ç’a été de mon consentement. J’ai dit, j’ai écrit que je vous en avais chargé moi-même. Il est vrai que, lorsque les calomniateurs ont osé dire que j’avais fait imprimer ce livre à Londres pour en tirer beaucoup d’argent, mes amis ont répondu qu’il n’y avait pas eu plus de cent louis de profit, et que je vous l’avais entièrement abandonné pour la peine que vous deviez prendre de cette édition (si mal faite). Parlez à M. Rouillé, parlez à M. Hérault, à M. d’Argental, à tous ceux qui sont au fait de cette affaire, et vous verrez combien l’imputation d’avoir dit que vous m’aviez volé mon manuscrit est une calomnie insigne. Mais je veux que des personnes de considération, trompées, je ne sais comment, aient pu vous avoir fait un rapport aussi faux et aussi indigne : n’était-il pas du devoir de l’amitié de m’écrire sur-le-champ pour vous en éclaircir ? Vous me deviez bien au moins cette reconnaissance ; vous deviez cet éclaircissement à vingt années d’une liaison étroite, à votre honneur et au mien. Deux vieux amis qui se brouillent se déshonorent, et vous, qui deviez aller au-devant de ces lâches soupçons, par tant de raisons ; vous, qui disiez que vous veniez à Paris pour me voir ; vous, qui, après tout, avez seul