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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/470

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Des Allemands et des combats ;
Mais fût-elle toujours tranquille,
Je ne connais d’autre séjour
Que les lieux où règne l’Amour,
Et ceux qu’habite Cideville.

Je vous embrasse tendrement ; si vous m’aimez, logez chez moi.

Adieu ; quand viendra donc le temps où je vous accablerai, tout le jour, de prose et de vers ! Ne sachant pas votre adresse, j’ai prié M. d’Argental de vous rendre ce chiffon. Ce d’Argental est bien digne de vous. Je lui envoie Samson pour vous être montré, en attendant mieux.


436. — Á M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Novembre

J’ai mené une vie un peu errante, mon adorable ami, depuis près d’un mois : voilà ce qui m’a empêché de vous écrire. Je crois que je touche enfin à la paix que vos négociations et vos bontés m’ont procuré. Voilà Mme de Richelieu qui va enfin être présentée. Elle ne quittera point votre garde des sceaux qu’elle n’ait obtenu la paix, et j’espère qu’enfin cette infâme persécution pour un livre innocent cessera. Pour moi, je vous avoue qu’il faudra que je sois bien philosophe pour oublier la manière indigne dont j’ai été traité dans ma patrie. Il n’y a que des amis tels que vous, et tels que ceux qui m’ont si bien servi, qui puissent me faire rester en France. Voulez-vous, si je ne reviens pas si tôt, que je vous envoie certaine tragédie fort singulière[1] que j’ai achevée dans ma solitude ? C’est une pièce fort chrétienne, qui pourra me réconcilier avec quelques dévots ; j’en serai charmé, pourvu qu’elle ne me brouille pas avec le parterre. C’est un monde tout nouveau, ce sont des mœurs toutes neuves. Je suis persuadé qu’elle réussirait fort à Panama et à Fernambouc. Dieu veuille qu’elle ne soit pas sifflée à Paris. J’avais commencé cet ouvrage l’année passée, avant de donner Adélaïde ; et j’en avais même lu la première scène au jeune Crébillon et à Dufresne. Je suis assez sûr du secret de Dufresne ; mais je doute fort de Crébillon. En tout cas, je lui ferai demander le secret, sauf à lui à le garder, s’il veut. Vous pourriez toujours faire donner la pièce à Dufresne, sans que Crébillon ni personne en

  1. Alzire.