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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/481

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homme soit un coquin, il faut qu’il soit un grand personnage : il n’appartient pas à tout le monde d’être fripon.

Montèze, quoique père de la señora, n’est qu’un subalterne dans la pièce : il ne peut jamais faire un rôle principal ; il n’est là que pour faire sortir le caractère d’Alzire. Figurez-vous la mère de la Gaussin avec sa fille. J’en suis fâché pour Montèze, mais je n’ai jamais compté sur lui.

Les autres ordres que vous me donnez sont plus faciles à exécuter : Patientiam habe in me, et ego omnia reddam tibi[1]. Je m’étais hâté d’envoyer à Mme du Châtelet des changements pour les derniers actes, mais il ne faut point se hâter, quand on veut bien faire : l’imagination harcelée et gourmandée devient rétive ; j’attendrai les moments de l’inspiration.

J’accable de mes respects et de mon amitié madame votre mère[2] et le lecteur[3] de Louis XV. Je vous supplie de faire ma cour à Mme de Bolingbroke. Vraiment je serai fort aise que ce M. de Matignon[4] tire un peu la manche du garde des sceaux en ma faveur. Il faut, au bout du compte, ou être effacé du livre de proscription, ou enfin s’en aller hors de France : il n’y a pas de milieu, et, sérieusement, l’état où je suis est très-cruel.

Je serais très-fâché de passer ma vie hors de France ; mais je serais aussi très-fâché qu’on crût que j’y suis, et, surtout, qu’on sût où je suis. Je me recommande, sur cela, à votre sage et tendre amitié. Dites bien à tout le monde que je suis à présent en Lorraine.

J’ai envoyé un petit mémoire, par Demoulin, à M. Hérault. Voudrez-vous bien lui en parler, et savoir de lui si ce mémoire peut produire quelque chose ?

Adieu ; les misérables sont gens bavards et importuns.


451. — Á M. DE CIDEVILLE.
Décembre.

Quoi ! Gilles Maignard s’est séparé tout à fait de notre présidente[5] ? N’est-il point mort de la douleur qu’il avait de lui faire deux mille écus de pension ? La veuve vient de me mander qu’elle

  1. Matthieu, xviii, 26.
  2. Marie-Angélique Guérin de Tencin, sœur aînée du cardinal, morte un an avant son mari, Augustin de Ferriol, en février 1736. (Cl.)
  3. Pont-de-Veyle.
  4. Voyez la lettre 429.
  5. Voyez la note de la lettre 62.