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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/549

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tout propres à être reliés avec la Didon, à être loués par le Mercure galant et par l’abbé Desfontaines, et à faire bâiller les honnêtes gens. J’ai voulu lire Vert-Vert, poëme digne d’un élève du Père du Cerceau, et je n’ai pu en venir à bout. Heureusement je n’ai point reçu Abensaïd[1].

Je me console, avec le Siècle de Louis XIV, de toutes les sottises du siècle présent. J’attends quelque chose de vous comme un baume sur toutes ces blessures. Je me flatte que vous avez reçu ma lettre où je vous parlais de vos petits Daphnis et Chloé.

Adieu, mon très-cher ami.

Émilie me fait décacheter ma lettre, pour vous dire qu’elle voudrait bien que Cirey fût auprès de Rouen. Mais comment oserai-je vous parler de la sublime et délicate Émilie, après la lettre grossière que je vous ai écrite ? Son nom épure tout cela. Vous croyez bien qu’elle n’a point lu cette lettre, qu’il faut brûler. V.


510. — Á M. DE FORMONT[2].
À Cirey, par Vassy en Champagne, ce 22 septembre 1735.

Martin Lefranc, qui barbouilla Didon.
Vain dans ses mœurs et faible dans son style,
Sur la Dufréne[3] allant à l’Hélicon,
S’était vanté d’avoir passé Virgile.
Mais vous, poëte au modeste maintien,
À l’esprit juste, aux sons pleins d’harmonie,
Du grand Virgile admirant le génie,
Vous l’imitez, sans vous vanter de rien.

C’est ce qui m’est échappé, mon cher ami, après avoir lu votre élégante traduction ; je l’attendais, depuis un mois, avec une extrême impatience. Enfin le ballot est arrivé.. Nous avons lu et relu, Émilie, Linant et moi, votre aimable ouvrage. C’est sans contredit la meilleure traduction qu’on ait faite, en aucune langue que je sache, de ce chef-d’œuvre de la poésie latine. Vous pourriez la rendre parfaite avec un peu de travail. Il faudrait rompre la marche un peu trop uniforme des vers, et en corriger environ soixante. J’ose dire que l’ouvrage demande absolument cette réforme ; je vous conjure de vous en donner la peine.

  1. Voyez la note sur la lettre 485.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. Actrice qui jouait Didon. (A. F.)