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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/574

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pourra tirer sera pour lui. C’est une libéralité que vous lui ferez volontiers, surtout à présent que vous êtes grand seigneur.

Si vous connaissiez quelque domestique qui sût bien écrire, envoyez-le-moi au plus vite : vous y gagnerez mille chiffons par an, vers, prose ; vous me tiendrez lieu du public. Adieu, mon ami,

P. S. Qu’est-ce qu’une estampe[1] de moi, qui se vend chez Odieuvre, près de la Samaritaine, cela veut dire, je crois, sur le Pont-Neuf ? Il est juste que je sois avec mon héros. Voyez si cette estampe ressemble.


528. — Á M. L’ABBÉ D’OLIVET.
À Cirey, par Vassy en Champagne, ce 30 novembre.

Je vous prie, mon cher maître en Apollon, d’envoyer à mon logis, vis-à-vis Saint-Gervais, votre petit antidote[2] contre le style impertinent dont nous sommes inondés. C’est une prescription contre la barbarie. J’attends ce Discours avec très-grande impatience : joignez-y la Vie du martyr[3] de Toulouse ; je ne la garderai qu’un jour, et on la reportera chez vous.

Je vous abandonne Marc-Antoine ; l’assassin de votre bon ami[4], que vous avez embelli en français, mérite bien votre indignation. Je ne vous avais envoyé cette scène[5] que pour vous faire connaître le goût du théâtre anglais, et point du tout pour vous faire aimer Antoine.

Avez-vous lu une lettre du Père Tournemine, qu’il a fait imprimer dans le Journal de Trévoux, au mois d’octobre[6] ? Il dispute bien mal contre M. Locke, et parle de Newton comme un aveugle des couleurs. Si des philosophes s’avisaient de lire cette brochure, ils seraient bien étonnés, et auraient bien mauvaise opinion des Français. En vérité nous sommes la crème fouettée de l’Europe. Il n’y a pas vingt Français qui entendent Newton. On dispute contre lui à tort et à travers, sans avoir lu ses démons-

  1. Michel Odieuvre, d’abord tailleur, et ensuite peintre et marchand de gravures, publiait alors une collection de portraits d′hommes célèbres. (Cl.)
  2. Discours prononcé le 25 août 1735, avant la distribution des prix, par l’abbé d’Olivet, directeur de l’Académie française.
  3. La Vie et les Sentiments de Lucilio Vanini (par D. Durand), 1717, in-12. Voyez tome XVII, page 470.
  4. D’Olivet avait déjà traduit plusieurs ouvrages de Cicéron.
  5. La scène viii. acte III, de la Mort de César.
  6. Pages 1913 à 1935 ; elle est intitulée Lettres sur l’immortalité de l’âme et les sources de l’incrédulité. Voltaire y répondit par la lettre qui porte le n° 530.