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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/113

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de mal, et qu’il rend service. Son ermitage est une petite chapelle appartenante à M. le duc d’Orléans ; il voudrait bien une petite permission d’y demeurer et d’y être fixé.

Il y a, je crois, à Toul une espèce de général des ermites qui les fait voyager comme le diable de Papefiguièret[1], et frère Macaire ne veut point voyager. Mme du Châtelet, qui trouve cet ermite un bon diable, serait fort aise qu’il restât dans sa chapelle, d’où il viendrait quelquefois travailler de son métier à Cirey. Si donc, monsieur, vous pouvez donner à frère Macaire une patente d’ermite de Doulevant, ou une permission telle quelle de rester là comme il pourra, Mme du Châtelet vous remerciera, et Dieu et saint Antoine vous béniront.

Quant à frère François, c’est moi, monsieur, qui suis encore plus ermite que frère Macaire, et qui ne voudrais sortir de mon ermitage que pour vous faire ma cour. J’y vis entre l’étude et l’amitié, plus heureux encore que frère Macaire et, si j’avais de la santé, je n’envierais aucune destinée mais la santé me manque, et m’ôte jusqu’au plaisir de vous écrire aussi souvent que je le voudrais. Au lieu d’aller à Paris, nous allons, sœur Émilie et frère François, en Franche-Comté, au milieu des neiges et des glaces. On pourrait choisir un plus beau temps, mais Mme d’Autrey[2] est malade, on a logé chez elle à Paris. L’amitié et les bons procédés ne connaissent point les saisons.

Je me flatte qu’après ce voyage vous voudrez bien, monsieur, me permettre de profiter quelquefois de vos moments de loisir, et que j’aurai encore l’honneur de vous voir dans cette ancienne maison de la baronne[3], où l’on faisait si gaiement de si mauvais soupers.

Voulez-vous bien que je présente mes respects à monsieur votre fils[4] et à celui d’Apollon, qui va faire au Châtelet son apprentissage de maître des requêtes, d’intendant, de conseiller d’État et de ministre ?

Frère François priera toujours Dieu pour vous avec un très-grand zèle et très-efficace.

  1. Voyez Pantagruel, livre IV, chap. XLVI et XLVII.
  2. Marie-Thérèse Fleuriau, née en 1698, sœur du comte de Morville auquel est adressée la lettre 173 ; veuve, en 1730, du comte d’Autrey nommé à la fin de la lettre 126, et mère du comte d’Autrey auquel Voltaire écrivit, le 6 septembre 1765, une lettre qui fait partie de la Correspondance.
  3. La baronne de Fontaine-Martel ( Henriette-Julie), alliée à la famille d’Estaing, comme Mme d’Autrey, qui avait probablement hérité de l’hôtel voisin du Palais-Royal, dont Voltaire parle dans son billet du 6 novembre 1741, à Thieriot.
  4. M. de Paulmy, déjà nommé dans le troisième alinéa de la lettre 1464.