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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/156

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s’est fait à Paris dans un temps de crise, et c’est un espion de la personne[1] que Votre Majesté soupçonne qui a fait tout le mal.

Votre Majesté l’avait très-bien deviné[2] ; elle se connait aux petites choses comme aux grandes.

Surtout qu’elle connait bien les injustices des hommes qui se mêlent de juger les rois, et que son ode sur cette matière toute neuve est pleine d’une poésie et d’une philosophie vraie et sublime !

Plût à Dieu que Votre Majesté eût également raison dans les beaux compliments qu’elle me fait dans son avant-dernière lettre, au sujet de la marquise !


Ah ! vous m’avez fait, je vous jure,
Et trop de grâce et trop d’honneur,
Quand vous dites que la nature
M’a fait, pour certaine aventure,
D’autres dons que le don du cœur ;
Plût au ciel que je l’eusse encore,
Ce premier des divins présents,
Ce don que toute femme adore,
Et qui passe avec nos beaux ans !
J’approche, hélas ! de la nuit sombre
Qui nous engloutit sans retour ;
D’un homme je ne suis que l’ombre,
Je n’ai que l’ombre de l’amour.
Adressez donc à des poëtes
Qui soient encor dans leur printemps,
Les très-désirables fleurettes
Dont vous honorez mes talents.
Gresset est dans cet heureux temps
C’est Gresset qui devait se rendre
Dans le Parnasse de Berlin ;
Mais, ou trop timide, ou trop tendre,
Il n’osa faire ce chemin.
Il languit, dans sa Picardie,
Entre les bras de sa catin
Et sur des vers de tragédie.

  1. Le vieux Nestor, le cardinal de Fleury.
  2. Frédéric avait des motifs particuliers de se défier de la loyauté du vieux Machiavel mitré qui régnait sur la France. Selon ce qu’en dit Laveaux, dans le tome Ier de la Vie de Frédéric II, ce prince ne fit tout à coup la paix avec Marie-Thérèse que parce qu’il avait reconnu une preuve de trahison dans une lettre écrite secrètement par Fleury à la reine de Hongrie. (Cl.) — Voyez le cinquième alinéa de la lettre 1519.