Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait été du même parti. Les officiers français avouèrent aux Autrichiens qu’ils espéraient que l’armée de secours arriverait le 28 août. Leurs généraux leur avaient donné cette espérance. Les assiégeants les détrompèrent, et leur firent voir que cette armée ne pouvait arriver qu’à la fin de septembre ; mais nos troupes, loin d’en être découragées, protestent qu’elles périront plutôt que de se rendre. Jamais on n’a vu tant de zèle et tant d’intrépidité ; chaque soldat semble être responsable de la gloire de la nation c’est une justice que leur rend le prince Charles.

J’ai mandé cette nouvelle à M. le président de Meinières, pour en orner le grand livre de Mme Doublet[1] ; mais j’ai oublié de lui dire que nous avons pris Monti, ingénieur en chef de l’armée autrichienne. Puisse tant de courage être suivi d’une paix aussi prompte qu’honorable ! Il parait que les Hollandais temporisent. Il y a ici dix-huit mille Anglais avec du canon, vingt-deux mille nationaux ; et on attendait, il y a cinq jours, M. de Neipperg avec la déclaration de leurs hautes et lentes puissances. Seize mille Hanovriens devaient se joindre à toutes ces troupes, et commencer les opérations vers Thionville. Tous ces projets paraissent suspendus.

Le roi de Prusse est à Aix-la-Chapelle, où il fait semblant de consulter des charlatans et de boire des eaux. Il traite les médecins comme les autres puissances. Je pars dans l’instant, avec la permission du roi, pour aller faire un moment ma cour à ce prince. J’aimerais bien mieux partir pour venir manger la poule au riz. Permettez-moi, madame, de présenter mes respects à M. de Solar. Mme du Châtelet va vous écrire. J’ai écrit aux anges. Le baccio i piedi.

  1. Mme Doublet de Persan, née Le Gendre, morte, vers la fin de 1771, quelques mois après Louis Petit de Bachaumont, son ami intime, qui demeurait chez elle, et qui, partageant le goût de celle-ci pour les nouvelles du jour, concourait, avec quelques autres habitués de la maison, à en tenir registre. Ce grand livre, comme Voltaire le nomme ici, et dans sa lettre du 23 septembre 1750, à d’Argental, se composait de deux parties, l’une contenant les nouvelles hasardées, l’autre les nouvelles officielles. L’extrait qui en était ensuite fait devenait un objet de spéculation pour le valet de chambre copiste de Mme Doublet, et cette espèce de journal fut longtemps connu sous le nom de Nouvelles d la main. Les Mémoires secrets, qui ont paru de 1777 à 1789, en 36 volumes in-12, et dont les premiers sont attribués à Bachaumont, peuvent être considérés comme la suite du grand livre de Mme Doublet.

    Cette dame, née vers 1676, fut la marraine de l’abbé Terrai, et la grand’tante de la duchesse de Choiseul. (Cl.)