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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/189

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Vos faveurs étaient dangereuses
Aux rois qui le méritent bien,
Car tous ces gens-là n’aiment rien,
Et leurs promesses sont trompeuses.
Mais moi, qui ne vous trompe pas,
Et dont l’amour toujours fidèle
Sent tout le prix de vos appas,
Moi qui vous eusse aimé cruelle,
Je jouirai sans repentir
Des caresses et du plaisir
Que fait votre muse infidèle.

Il pleut ici de mauvais livres et de mauvais vers ; mais comme Votre Majesté ne juge pas de tous nos guerriers par l’aventure de Lintz[1], elle ne juge pas non plus de l’esprit des Français par les Étrennes de la Saint-Jean[2], ni par les grossièretés de l’abbé Desfontaines.

Il n’y a rien de nouveau parmi nos sybarites de Paris. Voici le seul trait digne, je crois, d’être conté à Votre Majesté. Le cardinal de Fleury, après avoir été assez malade, s’avisa, il y a deux jours, ne sachant que faire, de dire la messe à un petit autel, au milieu d’un jardin où il gelait. M. Amelot[3] et M. de Breteuil[4] arrivèrent, et lui dirent qu’il se jouait à se tuer : Bon, bon, messieurs, dit-il, vous êtes des douillets. À quatre-vingt-dix ans ! quel homme ! Sire, vivez autant, dussiez-vous dire la messe à cet âge, et moi la servir.

Je suis avec le plus profond respect, etc.


1556. — À M. CÉSAR DE MISSY[5].
4 janvier 1743.

Je m’en rapporte bien à vous, monsieur, pour la préface dont vous m’honorez ; je vois par toutes vos lettres combien vous êtes éloigné de la superstition et de la licence, et vous êtes un éditeur et un ami tel qu’il me le faut.

  1. Le 23 janvier 1742, Henri-François, comte de Ségur, enfermé dans Lintz avec un corps de dix mille hommes, capitula devant l’armée autrichienne, sous la condition d’être un an sans servir.
  2. Voyez la note, tome XXIII, page 485.
  3. Amelot de Chaillou, à qui est adressée une lettre du 2 août 1743.
  4. François-Vincent Le Tonnellier de Breteuil, parent de Mme du Châtelet ; mort ministre de la guerre, le 7 janvier 1743, quelques jours avant le cardinal de Fleury.
  5. Éditeurs, de Cayrol et François.