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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/193

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1560. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Mars.

Vous avez bien raison, ange tutélaire ; je vous ai cherché tous ces jours-ci pour vous demander vos conseils angéliques. Il est très-vrai que je dois avoir peur que Satan, déguisé en ange de lumière, escorté de Marie Alacoque, se déchaîne contre moi.

Oui, l’auteur de Marie Alacoque persécute et doit persécuter l’auteur de la Henriade ; mais je ferai tout ce qu’il faudra pour apaiser, pour désarmer l’archevêque de Sens[1]. Le roi m’a donné son agrément ; je tâcherai de le mériter. Je me conduirai par vos avis. La place, comme vous savez, est peu ou rien, mais elle est beaucoup par les circonstances où je me trouve. La tranquillité de ma vie en dépend ; mais le vrai bonheur, qui consiste à sentir vivement, se goûte chez vous.

Adieu, mes adorables anges gardiens ; ma vie est ambulante, mais mon cœur est fixe. Je vous recommande Mme du Châtelet et César[2] : ce sont deux grands hommes.


1561. — À M ***[3],
de l’académies française.
Mars.

J’ai l’honneur de vous envoyer les premières feuilles d’une seconde[4] édition des Éléments de Newton, dans lesquelles j’ai donné un extrait de sa métaphysique. Je vous adresse cet hommage comme à un juge de la vérité. Vous verrez que Newton était de tous les philosophes le plus persuadé de l’existence d’un Dieu, et que j’ai eu raison de dire[5] qu’un catéchiste annonce Dieu aux enfants, et qu’un Newton le démontre aux sages.

  1. Évêque de Soissons en 1715, Languet (voyez la note, tome XVII, page 7) était devenu, en 1730, archevêque de Sens ; il était, depuis 1721, de l’Académie française.
  2. Les ennemis de Voltaire empêchèrent cette pièce de paraitre, en 1743, sur le Théâtre-Français.
  3. Cette lettre, selon ce qu’en disent les éditeurs de l’édition de Kehl, semble avoir été destinée à être « répandue et à servir de réponse aux clameurs de la canaille littéraire, qui ne voulait pas que M. de Voltaire fut de l’Académie française ». Les uns la croient adressée à l’abbé de Rothelin, les autres à l’archevêque de Sens, tous deux de l’Académie.
  4. Voltaire ne fait point entrer dans son compte les éditions de 1738, qui ne contenaient qu’une partie de l’ouvrage. La première édition complète est de 1741. (B.)
  5. Dans un morceau intitulé Déisme, publié dès 1742, et qui fait partie du