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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/236

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plaît beaucoup au roi et au ministre son oncle, ne voie point le roi de Prusse à Spa comme je l’espérais. J’ose vous assurer, monseigneur, qu’il n’y a personne qui ait à présent le cœur plus français, et qui pût mieux vous seconder dans vos vues. Cependant je suis très-loin de perdre l’espérance ; je vois même que, de jour en jour, le roi de Prusse se met dans la nécessité de n’avoir d’autre allié que Sa Majesté. J’apprends, par les lettres du ministre hollandais à Pétersbourg, que ce prince refuse toujours, sous différents prétextes, d’accéder au traité défensif de la Russie et de l’Angleterre.

Permettez-moi, monseigneur, de vous rappeler à cette occasion ce que vous avez bien voulu me dire dans votre dépêche du 11, touchant la cour de Russie. On vous la dépeint comme peu liée avec l’Angleterre et la Hongrie cependant vous verrez, par la copie ci-jointe de la lettre du résident Swart, que le ministère russe paraît entièrement autrichien.

Voilà, monseigneur, tout ce qui est venu à ma connaissance. Les démarches récentes du roi de Prusse auprès des États-Généraux pour la paix de l’empire, la hardiesse qu’il a de les mécontenter et de les braver, sa froideur avec les Anglais, ses longueurs avec les Russes, et, plus que tout cela, son intérêt visible, font espérer qu’on pourra le porter à quelque résolution éclatante et digne d’un grand roi. Je vous rendrai un compte fidèle de tout ce que j’aurai aperçu à sa cour, sans oser vous promettre qu’on puisse jamais rien attribuer aux efforts de mon zèle.

J’aurai des lettres de recommandation de M. Trévor pour milord Hindfort[1], qui vous a tant fait de mal ; je tacherai de me lier avec lui, et de tourner à votre avantage l’heureuse obscurité à l’abri de laquelle je peux être reçu partout avec assez de familiarité.

Comme il a été nécessaire que j’écrivisse quelquefois ici en chiffres, et que je consultasse M. le marquis de Fénelon et M. de La Ville, il pourra arriver que je sois à Berlin dans une pareille obligation[2]. Je ne m’ouvrirai à M. de Valori, qui d’ailleurs m’honore de quelque amitié, qu’avec toute la réserve convenable aux intérêts présents.

Encore une fois, je ne réponds d’aucun succès ; mais soyez sûr du zèle le plus ardent.

  1. Hindfort ou Hyndford, nommé dans le trentième vers de la lettre 1455.
  2. Les lettres des 3 et 5 octobre 1743, au ministre Amelot, furent écrites en chiffres.