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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/252

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Sa grande envie serait de séculariser plusieurs biens ecclésiastiques je crains que cette envie trop connue ne révolte contre lui Wurtzbourg, directeur du cercle de Franconie…


1613. — À M. AMELOT,
ministre des affaires étrangères.
Ce 3 octobre.

Monseigneur, en revenant de la Franconie, où j’ai resté quelques jours, après le départ de Sa Majesté prussienne, je reprends le fil de mon journal.

Le roi de Prusse me dit à Baireuth, environ le 13 ou le 14 du mois passé, qu’il était bien content que le roi eût envoyé de l’argent à l’empereur, et qu’il était satisfait des explications données par M. le maréchal de Noailles, au sujet de l’électeur de Mayence. « Mais, ajouta-t-il, il résulte de toutes vos démarches secrètes que vous demandez la paix à tout le monde, et il se pourrait très-bien faire que votre cour eût fait des propositions contre moi, à Mayence, seulement pour entamer une négociation, et pour sonder le terrain.

— C’est donc ainsi, lui dis-je en riant, que vous en usez, vous autres rois, et c’est ainsi, probablement, que vous fîtes, au mois de mai, des propositions à la reine de Hongrie contre la France.

— Êtes-vous toujours dans cette idée ? me répondit-il je vous jure sur mon honneur que je n’ai jamais pensé à faire cette démarche. »

Il me répéta deux fois ces paroles, en me frappant sur l’épaule et vous sentez bien que, quand un roi jure deux fois sur son honneur, il n’y a rien à répliquer. Il m’ajouta : « Si j’avais fait la moindre offre à la reine de Hongrie, on l’eût acceptée à genoux ; et il n’y a pas longtemps que les Anglais m’ont offert la carte blanche, si je voulais envoyer seulement dix mille hommes à l’armée autrichienne. »

Ensuite il me dit qu’il allait voir à Anspach ce qu’on pourrait faire pour la cause commune, qu’il y attendait l’évêque de Wurtzbourg, et qu’il tâcherait de réunir les cercles de Souabe et de Franconie. Il promit, en partant, au margrave de Baireuth[1], son beau-frère, qu’il reviendrait chez lui avec de grands desseins et même de grands succès.

  1. Frédéric-Guillaume, margrave de Brandebourg-Baireuth, né en 1711 ; marié, en 1731, à Frédérique-Sophie-Wilhelmine, sœur du grand Frédéric.