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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/263

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du roi de Prusse, mais vous savez qu’une plus grande souveraine, nommée Mme du Châtelet, me rappelle à Paris[1]. Je suis comme ces Grecs qui renonçaient à la cour du grand roi pour venir être honnis par le peuple d’Athènes.

J’ai passé quelques jours à Baireuth. Son Altesse royale m’a bien parlé de vous. Baireuth est une retraite délicieuse où l’on jouit de tout ce qu’une cour a d’agréable, sans les incommodités de la grandeur. Brunswick, où je suis, a une autre espèce de charme : c’est un voyage céleste où je passe de planète en planète, pour revoir enfin ce tumultueux Paris, où je serai très-malheureux si je ne vois pas l’unique Maupertuis, que j’admire et que j’aime pour toute ma vie.


1622. — À M. URIOT[2].
À Brunswick, ce 16 octobre.

J’ai été bien mortifié, mon cher monsieur, d’avoir reçu trop tard votre lettre, mais il en faut accuser mes courses continuelles. Je vous ai recommandé de mon mieux, en partant  ; mais vous savez qu’il faut parler souvent d’une affaire pour réussir ; la vôtre me tient bien au cœur. Berlin est un séjour digne de tous les arts que vous cultivez ; je me flatte que j’aurai le plaisir de vous parler plus amplement à la Haye, où je retourne comblé des faveurs du roi de Prusse et de la famille royale. Ce monarque daigna, quand je pris congé de lui, me faire présent d’une boîte d’or dans laquelle il y avait plusieurs médaillons d’or qui le représentent donnant la paix à ses sujets : c’est dommage qu’on m’en ait volé quelques-uns à Magdebourg ; mais ses présents sont fort au-dessous de ses bontés. Je voudrais bien, monsieur, que vous connussiez, par expérience, les uns et les autres. Je suis du meilleur de mon cœur, votre, etc.

Voltaire.
  1. Mme du Châtelet, après avoir fait un voyage secret à Paris, vers le commencement d’octobre 1743, était revenue à Bruxelles, et elle se trouvait dans cette dernière ville quand Voltaire écrivit à Maupertuis. Elle n’avait pas revu Voltaire depuis le 15 ou le 20 juin précédent, et elle ne recevait de lui que peu de lettres, la plupart fort courtes. C’est du moins ce dont elle se plaint dans sa correspondance d’octobre 1743 avec d’Argental.
  2. Joseph Uriot, né à Nancy en 1713, d’abord comédien à Baireuth, alla ensuite à Stuttgard, y fut professeur d’histoire, bibliothécaire et lecteur du duc de Wurtemberg. Il est mort le 18 octobre 1788. Il est auteur de quelques écrits en français, et, entre autres, de la Vérité telle qu’elle est contre la Pure Verité, 1765, in-8o. La Pure Verité, Augsbourg, 1765, in-12, était un libelle de Maubert de Gouvest contre la cour de Wurtemberg. (B.)