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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/266

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Vous savez qu’à son retour de Franconie à Berlin, il fit proposer par M. de Podewils à M. de Valori de vous envoyer un courrier pour savoir quelles mesures vous vouliez prendre avec lui pour le maintien de l’empereur ; mais ce que le roi me disait de ces mesures me paraissait si vague, il paraissait si peu déterminé que j’osai prier M. de Valori de ne pas envoyer un courrier extraordinaire pour apprendre que le roi de Prusse ne proposait rien.

Je peux vous assurer que la réponse que fit M. de Valori au secrétaire d’État étonna beaucoup le roi, et lui donna une idée nouvelle de la fermeté de votre cour. Le roi me dit alors, à plusieurs reprises, qu’il aurait souhaité que j’eusse une lettre de créance. Je lui dis que je n’avais aucune commission particulière, et que tout ce que je lui disais était dicté par mon attachement pour lui. Il daigna m’embrasser à mon départ, me fit quelques petits présents, à son ordinaire, et exigea que je revinsse bientôt. Il se justifia beaucoup sur la petite trahison dont M. de Valori et moi nous vous avons donné avis. Il me dit qu’il ferait ce que je voudrais pour la réparer. Cependant je ne serais point surpris qu’il m’en eût fait encore une autre par le canal de Chambrier, tandis qu’il croyait que j’avais l’honneur d’être son espion.

J’arrivai le 14 à Brunswick, où le duc voulut absolument me retenir cinq jours. Il me dit qu’il refusait constamment deux régiments que les Hollandais voulaient négocier dans ses États. Il m assura que lui et beaucoup de princes n’attendaient que le signal du roi de Prusse, et que le sort de l’empire était entre les mains de ce monarque. Il m’ajouta que le collége des princes était fort effarouché que l’électeur de Mayence eût, sans les consulter, admis à la dictature le mémoire présenté, il y a un mois, contre l’empereur par la reine de Hongrie ; qu’il souhaitait que le collége des princes pût s’adresser à Sa Majesté prussienne (comme roi de Prusse), pour l’engager à soutenir leurs droits, et que cette union en amènerait bientôt une autre en faveur de Sa Majesté impériale.

Plusieurs personnes m’ont confirmé dans l’idée où j’étais d’ailleurs que si l’empereur signifiait au roi de Prusse qu’il va être réduit à se jeter entre les bras de la cour de Vienne, et à concourir à faire le grand-duc roi des Romains, cette démarche précipiterait l’effet des bonnes intentions du roi de Prusse, et mettrait fin à cette politique qui lui a fait envisager son bien dans le mal d’autrui.

On m’a encore assuré qu’on commence à redouter, en Allemagne, le caractère inflexible de la reine de Hongrie, et la hau-