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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/274

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Aux Bohêmes, ses envieux,
Après que le trépas hideux
Eut envoyé son âme au diable,
Est ici pour les curieux.

Quand un jour votre âme légère
Passera sur l’esquif fameux,
Pour aller dans cet hémisphère
Inventé par les songe-creux,
Les restes de votre figure,
Immortels malgré le trépas,
Donneront de la tablature
À nos modernes Marsyas.


Oui, la peau de Zisca, ou, pour mieux dire, le tambour de Zisca, est une des dépouilles que nous avons emportées de Bohême.

Je suis bien aise que vous soyez arrivé en bonne santé à Lille ; je craignais toujours les chutes de carrosse.

Vous voilà plus enthousiasmé que jamais de quinze cents galeux de Français qui se sont placés sur une Ile du Rhin, et d’où ils n’ont pas le cœur de sortir[1]. Il faut que vous soyez bien pauvres en grands événements, puisque vous faites tant de bruit pour ces vétilles ; mais trêve de politique.

Je crois que les Hollandais peuvent avoir des pantomimes, quand les acteurs viennent des pays étrangers. Ils auront de beaux génies, quand vous serez à la Haye ; de fameux ministres, lorsque Carteret y passera ; et des héros, lorsque le chemin du roi, mon oncle, le conduira par des marais pour retourner à son île. Federicus Voltarium salutat.


1632. — À MADAME LA PRINCESSE ULRIQUE DE PRUSSE[2].
À Paris, faubourg Saint-Honoré, ce 22 décembre.

Madame, ce n’est donc pas assez d’avoir perdu le bonheur de voir et d’entendre Votre Altesse royale, il faut encore que l’admiration vienne, à trois cents lieues, augmenter mes regrets. Quoi madame, vous faites des vers et vous en faites comme le roi votre frère ! C’est Apollon qui a les Muses pour sœurs : l’une est une grande musicienne, l’autre daigne faire des vers charmants, et toutes sont nées avec tous les talents de plaire. C’est avoir trop d’avantages ; il eût suffi de vous montrer.

Quand l’Amour forma votre corps,
Il lui prodigua ses trésors,

  1. Les Français venaient de s’emparer de Fribourg en Brisgau ; mais le roi de Prusse l’ignorait encore, ou feignait de n’en rien savoir.
  2. Cette lettre a été collationnée sur le texte publié par M. Advielle d’après l’original conservé à la Bibliothèque de Stockholm ; Lettres et Poésies inédites de Voltaire, Paris, Librairie des Bibliophiles, 1872.