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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/278

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S’arrangent sous son violon ?
Est-ce le charmant Arion
Chantant sur les plaines salées ?
C’est mon prince, ou c’est Apollon.

Au doux son de tant de merveilles,
J’entends braire, près d’un chardon,
L’animal à longues oreilles
De qui vous devinez le nom.
Il nous dit de sa voix pesante
« N’admirez plus la voix brillante
De ce roi, poëte, orateur ;
Auprès de moi que peut-il être ?
Il n’est que roi, je suis son maître ;
Car des rois je suis précepteur[1]. »
 
Oui, tu l’es ; autrefois Achille
Soumit son enfance docile
À ce singulier animal
Moitié sage, moitié cheval.
Mon cher précepteur, c’est dommage ;
Mais, quand le ciel t’a fabriqué,
Il n’acheva pas son ouvrage :
Une des moitiés a manqué.


1635. — À LA REINE DE PRUSSE[2].
À Paris, ce 7 janvier 1744.

Madame, j’écris en vers au Roy, et à Son Altesse Royale mais la poésie ne me fournit rien d’assez fort pour remercier Votre Majesté. J’auray devant les yeux toute ma vie ce portrait de la meilleure Reine, de la meilleure mère qui soit au monde. J’ay reçu tres tard ce présent qui renferme à la fois tout ce que nous avons de plus auguste et de plus aimable, et je me hâte d’en remercier Votre Majesté à l’instant que je le reçois. Je luy demande tres humblement pardon de n’avoir point joint à mes œuvres, que j’ay pris la liberté de lui envoyer, cette tragédie de Zulime dont j’avois eu l’honneur de luy réciter deux actes ; mais je l’ay beaucoup retravaillée pour la rendre moins indigne d’etre pré-

  1. Midas-Boyer était précepteur du dauphin.
  2. Éditeur, Victor Advielle. On ne connaît pas d’autre lettre de Voltaire à Sophie-Dororhée de Hanovre, reine de Prusse, mère du grand Frédéric. Cette lettre est une de celles dont nous croyons devoir reproduire l’orthographe.