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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/285

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du genre humain, c’est manquer à votre illustre patrie, ennemie de l’oppression.

Cessez donc de prodiguer, dans votre compilation, des épithètes vandales et hérules à ceux qui doivent écrire l’histoire ; cessez de vous autoriser du pédantisme barbare que vous imputez à ce Puffendorf.

Savez-vous que ce Puffendorf est un auteur quelquefois aussi incorrect qu’il est en vogue ? Savez-vous qu’il est lu parce qu’il est le seul de son genre qui fût supportable en son temps ? Savez-vous que ceux que vous appelez archi-menteurs auraient à rougir s’ils n’étaient pas mieux instruits de l’histoire du monde que votre Puffendorf ? Savez-vous que M. de La Martinière a corrigé plus de mille fautes dans la dernière édition de son livre[1] ?

Ouvrons au hasard ce livre si connu. Je tombe sur l’article des papes. Il dit, en parlant de Jules II, « qu’il avait laissé, ainsi qu’Alexandre VI, une réputation honteuse ». Cependant les Italiens révèrent la mémoire de Jules II ; ils voient en lui un grand homme qui, après avoir été à la tête de quatre conclaves, et avoir commandé des armées, suivit jusqu’au tombeau le magnifique projet de chasser les barbares d’Italie. Il aima tous les arts ; il jeta le fondement de cette église qui est le plus beau monument de l’univers ; il encourageait la peinture, la sculpture, l’architecture, tandis qu’il ranimait la valeur éteinte des Romains. Les Italiens méprisent avec raison la manière ridicule dont la plupart des ultramontains écrivent l’histoire des papes. Il faut savoir distinguer le pontife du souverain ; il faut savoir estimer beaucoup de papes, quoiqu’on soit né à Stockholm ; il faut se souvenir de ce que disait le grand Cosme de Médicis, « qu’on ne gouverne point des États avec des patenôtres » ; il faut enfin n’être d’aucun pays, et dépouiller tout esprit de parti quand on écrit l’histoire.

Je trouve, en rouvrant le livre de Puffendorf, à l’article de la reine Marie d’Angleterre, fille de Henri VIII, « qu’elle ne put être reconnue pour fille légitime sans l’autorité du pape ». Que de bévues dans ces mots ! Elle avait été reconnue par le parlement et comment d’ailleurs aurait-elle eu besoin de Rome pour être légitimée, puisque jamais Rome n’avait ni dû ni voulu casser le mariage de sa mère ?

Je lis l’article de Charles-Quint. J’y vois que, dès avant l’an 1516, Charles-Quint avait toujours devant les yeux son Nec plus

  1. Voyez la lettre 1633.