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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/289

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invisible et triste prisonnière de Circé[1] ; adieu à l’amant de la cuisinière de Valori[2], de Mme du Châtelet, et de ma sœur. Je me recommande à la protection de tous vos talents, et, surtout, de votre goût pour l’étude, dont j’attends mes plus doux et plus agréables amusements.

Féderic.

On démeuble la maison que l’on avait commencé à meubler[3] pour vous à Berlin.


1644. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON.
À Cirey[4], ce 15 avril.

Vanitas vanitatum, et metaphysica vanitas[5]. C’est ce que j’ai toujours pensé, monsieur ; et toute métaphysique ressemble assez à la coquecigrue de Rabelais bombillant ou bombinant dans le vide[6]. Je n’ai parlé de ces sublimes billevesées que pour faire savoir les opinions de Newton, et il me paraît qu’on peut tirer quelque fruit de ce petit passage :

« Que savait donc sur l’âme et sur les idées celui qui avait soumis l’infini au calcul, et qui avait découvert la nature de la lumière et la gravitation ? Il savait douter[7]. »

Physiquement parlant, monsieur, je vous suis bien obligé de vos bontés, et, surtout, de celle que vous avez de vouloir bien réparer, par mon petit contrat avec un prince et avec un saint, les pertes que j’ai faites avec tant de profanes. J’ai l’honneur de courir ma cinquantième année.

Êtes-vous dans la cinquantième ?
J’y suis, et je n’en vaux pas mieux ;
C’est un assez f… quantième,
Tâchez un jour d’en compter deux.

  1. Circé est Mme du Châtelet, qui tenait sous clef non-seulement la Pucelle, mais encore le Siècle de Louis XIV ; voyez page 41 de la Vie privée de Voltaire, et de Mme du Châtelet, 1820, in-8o. (B.)
  2. Voyez la lettre de Frédéric, du 13 février 1749.
  3. Il serait fort difficile de rendre compte, du moins jour par jour, des petits voyages de Voltaire, depuis le 28 novembre 1743 jusqu’au 15 avril 1744. On doit présumer qu’il passa la majeure partie de cet intervalle à Paris et à Versailles, et qu’il ne retourna, vers la même époque, ni en Hollande, ni en Prusse, ainsi que le prouve le dernier alinéa de cette lettre. (Cl.) — Voyez la fin de la lettre 1626, où Voltaire, croyant alors retourner bientôt à Berlin, recommandait poétiquement à MM. Gérard d’y préparer sa chambre.
  4. Voltaire n’avait pas revu Cirey depuis le commencement de février 1742.
  5. Ecclésiaste, ch. i, v. 2.
  6. In vacuo bombinans. (Pantagruel, liv. II, ch. vii.)
  7. Voyez tome XXII, page 427.